Невыносимая легкость бытия. L'insoutenable Legerete de L'etre
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Тематика:
Французский язык
Издательство:
КАРО
Автор:
Кундера Милан
Год издания: 2024
Кол-во страниц: 320
Дополнительно
Вид издания:
Художественная литература
Уровень образования:
Дополнительное образование
ISBN: 978-5-9925-1897-9
Артикул: 850704.01.99
«Невыносимая легкость бытия» Милана Кундеры — одна из жемчужин прозы XX века. История жизни двух супружеских пар разворачивается в Праге, в 60-х годах. Автор вслед за собой ведет читателя по сложным запутанным лабиринтам отношений мужчины и женщины, где смешалось и переплелось их прошлое и настоящее, интимное и общественное, фантазии и реальность. В книге много всего — политики, философии, истории, человеческих отношений, но больше всего в ней любви. Не всегда легкость является благом, а тяжесть, сколько бы проблем она ни приносила, придает нашей жизни наполненность и смысл. Какой же выбор сделают герои в надежде наконец обрести счастье?
Тематика:
ББК:
УДК:
- 372: Содержание и форма деятельности в дошк. восп. и нач. образов-ии. Метод. препод. отд. учеб. предметов
- 821: Художественная литература
ОКСО:
- ВО - Бакалавриат
- 45.03.01: Филология
- 45.03.02: Лингвистика
ГРНТИ:
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HISTOIRE D’AMOUR Traduit du tchèque par François Kérel
УДК 372.8 : 821.133.1.0 ББК 81.2 Фр-93 К91 Кундера, Милан. К91 Невыносимая легкость бытия : книга для чтения на французском языке / М. Кундера; пер. с чеш. Фр. Кереля. — Санкт-Петербург : КАРО, 2024. — 320 с. — (Histoire d’amour). ISBN 978-5-9925-1897-9. «Невыносимая легкость бытия» Милана Кундеры — одна из жемчужин прозы XX века. История жизни двух супружеских пар разворачивается в Праге, в 60-х годах. Автор вслед за собой ведет читателя по сложным запутанным лабиринтам отношений мужчины и женщины, где смешалось и переплелось их прошлое и настоящее, интимное и общественное, фантазии и реальность. В книге много всего — политики, философии, истории, человеческих отношений, но больше всего в ней любви. Не всегда легкость является благом, а тяжесть, сколько бы проблем она ни приносила, придает нашей жизни наполненность и смысл. Какой же выбор сделают герои в надежде наконец обрести счастье? УДК 372.8 : 821.133.1.0 ББК 81.2 Фр-93 © КАРО, комментарии, словарь, оформление, 2024 ISBN 978-5-9925-1897-9
Première partie La légèreté et la pesanteur 1 L’éternel retour est une idée mystérieuse, et Nietzsche, avec cette idée, a mis bien des philosophes dans l’embarras : penser qu’un jour tout va se répéter comme on l’a déjà vécu et que cette répétition va encore indéfiniment se répéter ! Que veut dire ce mythe insensé ? Le mythe de l’éternel retour nous dit, par la négation, que la vie qui va disparaîƸtre une fois pour toutes1 et ne reviendra pas est semblable à une ombre, qu’elle est sans poids, qu’elle est morte dès aujourd’hui, et qu’aussi atroce, aussi belle, aussi splendide fût-elle, cette beauté, cette horreur, cette splendeur n’ont aucun sens. Il ne faut pas en tenir compte, pas plus que d’une guerre entre deux royaumes africains du XIVe siècle, qui n’a rien changé à la face du monde, bien que trois cent mille Noirs y aient trouvé la mort dans d’indescriptibles supplices. Mais est-ce que ça va changer quelque chose à cette guerre entre deux royaumes africains du XIVe siècle de se répéter un nombre incalculable de fois dans l’éternel retour ? Oui, certainement : elle va devenir un bloc qui se dresse et perdure, et sa sottise sera sans rémission. Si la Révolution française devait éternellement se répéter, l’historiographie française serait moins fière de Robespierre. Mais comme elle parle d’une chose qui ne reviendra pas, les 1 une fois pour toutes — раз и навсегда 3
années sanglantes ne sont plus que des mots, des théories, des discussions, elles sont plus légères qu’un duvet, elles ne font pas peur. Il y a une énorme différence entre un Robespierre qui n’est apparu qu’une seule fois dans l’histoire et un Robespierre qui reviendrait éternellement couper la tête aux Français. Disons donc que l’idée de l’éternel retour désigne une perspective où les choses ne nous semblent pas telles que nous les connaissons : elles nous apparaissent sans la circonstance atténuante de leur fugacité. Cette circonstance atténuante nous empêche en effet de prononcer un verdict quelconque. Peut-on condamner ce qui est éphémère ? Les nuages orangés du couchant éclairent toute chose du charme de la nostalgie ; même la guillotine. Il n’y a pas longtemps, je me suis pris moi-même sur le fait : ça me semblait incroyable mais, en feuilletant un livre sur Hitler, j’étais ému devant certaines de ses photos ; elles me rappelaient le temps de mon enfance; je l’ai vécu pendant la guerre; plusieurs membres de ma famille ont trouvé la mort dans des camps de concentration nazis ; mais qu’était leur mort auprès de cette photographie d’Hitler qui me rappelait un temps révolu de ma vie, un temps qui ne reviendrait pas ? Cette réconciliation avec Hitler trahit la profonde perversion morale inhérente à un monde fondé essentiellement sur l’inexistence du retour, car dans ce monde-là tout est d’avance pardonné et tout y est donc cyniquement permis. 2 Si chaque seconde de notre vie doit se répéter un nombre infini de fois, nous sommes cloués à l’éternité comme JésusChrist à la croix. Quelle atroce idée ! Dans le monde de l’éternel retour, chaque geste porte le poids d’une insoutenable responsabilité. C’est ce qui faisait dire à Nietzsche que l’idée 4
de l’éternel retour est le plus lourd fardeau (das schwerste Gewicht). Si l’éternel retour est le plus lourd fardeau, nos vies, sur cette toile de fond, peuvent apparaîƸtre dans toute leur splendide légèreté. Mais au vrai, la pesanteur est-elle atroce et belle la légèreté ?1 Le plus lourd fardeau nous écrase, nous fait ployer sous lui, nous presse contre le sol. Mais dans la poésie amoureuse de tous les siècles, la femme désire recevoir le fardeau du corps mâle. Le plus lourd fardeau est donc en même temps l’image du plus intense accomplissement vital. Plus lourd est le fardeau, plus notre vie est proche de la terre, et plus elle est réelle et vraie. En revanche, l’absence totale de fardeau fait que l’être humain devient plus léger que l’air, qu’il s’envole, qu’il s’éloigne de la terre, de l’être terrestre, qu’il n’est plus qu’à demi réel et que ses mouvements sont aussi libres qu’insignifiants. Alors, que choisir ? La pesanteur ou la légèreté ? C’est la question que s’est posée Parménide au VIe siècle avant Jésus-Christ. Selon lui, l’univers est divisé en couples de contraires : la lumière–l’obscurité ; l’épais–le fin ; le chaud–le froid ; l’être–le non-être. Il considérait qu’un des pôles de la contradiction est positif (le clair, le chaud, le fin, l’être), l’autre négatif. Cette division en pôles positif et négatif peut nous paraîƸtre d’une puérile facilité. Sauf dans un cas : qu’est-ce qui est positif, la pesanteur ou la légèreté ? Parménide répondait : le léger est positif, le lourd est négatif. Avait-il ou non raison ? C’est la question. Une seule chose est certaine. La contradiction lourd–léger est la plus mystérieuse et la plus ambiguë de toutes les contradictions. 1 Mais au vrai, la pesanteur est-elle atroce et belle la légère- té ? — Но на самом ли деле тяжесть ужасна, а легкость прекрасна? 5
Il y a bien des années que je pense à Tomas. Mais c’est à la lumière de ces réflexions que je l’ai vu clairement pour la première fois. Je le vois, debout à une fenêtre de son appartement, les yeux fixés de l’autre côté de la cour sur le mur de l’immeuble d’en face, et il ne sait pas ce qu’il doit faire. Il avait fait connaissance avec Tereza environ trois semaines plus tôt dans une petite ville de Bohême. Ils avaient passé une heure à peine ensemble. Elle l’avait accompagné à la gare et elle avait attendu avec lui jusqu’au moment où il était monté dans le train. Une dizaine de jours plus tard, elle vint le voir à Prague. Ils firent tout de suite l’amour ce jour-là. Dans la nuit, elle eut un accès de fièvre et elle passa chez lui toute une semaine avec la grippe. Il éprouva alors un inexplicable amour pour cette fille qu’il connaissait à peine. Il lui semblait que c’était un enfant qu’on avait déposé dans une corbeille enduite de poix et lâché sur les eaux d’un fleuve pour qu’il le recueille sur la berge de son lit. Elle resta chez lui une semaine puis, une fois rétablie, elle retourna dans la ville où elle habitait, à deux cents kilomètres de Prague. Et c’est ici que se situe le moment dont je viens de parler et où je vois la clé de la vie de Tomas : il est debout à la fenêtre, les yeux fixés de l’autre côté de la cour sur le mur de l’immeuble d’en face, et il réfléchit. Faut-il lui proposer de venir s’installer à Prague ? Cette responsabilité l’effraie. Qu’il l’invite chez lui maintenant, elle viendra le rejoindre pour lui offrir toute sa vie. Ou bien, faut-il renoncer ? Dans ce cas, Tereza restera serveuse de brasserie dans un trou de province, et il ne la reverra jamais. Veut-il qu’elle le rejoigne, oui ou non ? Il regarde dans la cour, les yeux fixés sur le mur d’en face, et cherche une réponse. 6
Il revient, encore et toujours, à l’image de cette femme couchée sur son divan ; elle ne lui rappelait personne de sa vie d’autrefois. Ce n’était ni une maîƸtresse ni une épouse. C’était un enfant qu’il avait sorti d’une corbeille enduite de poix et qu’il avait posé sur la berge de son lit. Elle s’était endormie. Il s’agenouilla près d’elle. Son haleine fiévreuse s’accélérait et il entendit un faible gémissement. Il pressa son visage contre le sien et lui chuchota des mots rassurants dans son sommeil. Au bout d’un instant, il lui sembla que sa respiration se faisait plus calme et que son visage se soulevait machinalement vers son visage. Il sentait à ses lèvres l’odeur un peu âcre de la fièvre et il l’aspirait comme s’il avait voulu s’imprégner de l’intimité de son corps. Alors, il imagina qu’elle était chez lui depuis de longues années et qu’elle était mourante. Soudain, il lui parut évident qu’il ne survivrait pas à sa mort. Il s’allongerait à côté d’elle pour mourir avec elle. Il enfouit son visage contre le sien dans l’oreiller et resta longtemps ainsi. À Ʊ présent, il est debout à la fenêtre et il invoque cet instant. Qu’était-ce, sinon l’amour, qui était ainsi venu se faire connaîƸtre ? Mais était-ce l’amour ? Il s’était persuadé qu’il voulait mourir à côté d’elle, et ce sentiment était manifestement excessif : il la voyait alors pour la deuxième fois de sa vie ! N’était-ce pas plutôt la réaction hystérique d’un homme qui, comprenant en son for intérieur1 son inaptitude à l’amour, commençait à se jouer à lui-même la comédie de l’amour ? En même temps, son subconscient était si lâche qu’il choisissait pour sa comédie cette pitoyable serveuse de province qui n’avait pratiquement aucune chance d’entrer dans sa vie ! Il regardait les murs sales de la cour et comprenait qu’il ne savait pas si c’était de l’hystérie ou de l’amour. 1 en son for intérieur — в глубине души; наедине со своей ̮ совестью 7
Et, dans cette situation où un homme vrai aurait su immédiatement agir, il se reprochait d’hésiter et de priver ainsi le plus bel instant de sa vie (il est à genoux au chevet de la jeune femme, persuadé de ne pouvoir survivre à sa mort) de toute signification. Il s’accablait de reproches, mais il finit par se dire que c’était au fond bien normal qu’il ne sût pas ce qu’il voulait. On ne peut jamais savoir ce qu’il faut vouloir car on n’a qu’une vie et on ne peut ni la comparer à des vies antérieures ni la rectifier dans des vies ultérieures. Vaut-il mieux être avec Tereza ou rester seul ? Il n’existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n’existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est déjà la vie même ? C’est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même « esquisse » n’est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l’ébauche de quelque chose, la préparation d’un tableau, tandis que l’esquisse qu’est notre vie n’est l’esquisse de rien, une ébauche sans tableau. Tomas se répète le proverbe allemand : einmal ist keinmal, une fois ne compte pas, une fois c’est jamais. Ne pouvoir vivre qu’une vie, c’est comme ne pas vivre du tout. 4 Mais un jour, pendant une pause entre deux opérations, une infirmière l’avertit qu’on le demandait au téléphone. Il entendit la voix de Tereza dans l’écouteur. Elle l’appelait de la gare. Il se réjouit. Malheureusement, il était pris ce soir-là1, et il ne l’invita chez lui que pour le lendemain. Dès qu’il eut 1 il était pris ce soir-là — он был занят тем вечером 8
raccroché, il se reprocha de ne pas lui avoir dit de venir tout de suite. Il avait encore le temps de décommander son rendezvous ! Il se demandait ce que Tereza allait faire à Prague pendant les longues trente-six heures qui restaient jusqu’à leur rencontre et il avait envie de prendre sa voiture et de partir à sa recherche dans les rues de la ville. Elle arriva le lendemain soir. Elle avait un sac en bandoulière1 au bout d’une longue courroie, il la trouva plus élégante que la dernière fois. Elle tenait un livre à la main. Anna Karénine de TolstoïDž. Elle avait des façons joviales, un peu bruyantes même, et s’efforçait de lui montrer qu’elle était passée tout à fait par hasard, à cause d’une circonstance particulière : elle était à Prague pour des motifs professionnels, peut-être (ses propos étaient très vagues) en quête d’un nouvel emploi2. Ensuite, ils se retrouvèrent allongés côte à côte, nus et las sur le divan. Il faisait déjà nuit. Il lui demanda où elle logeait, il voulait la raccompagner en voiture. Elle répondit d’un air gêné qu’elle allait se chercher un hôtel et qu’elle avait déposé sa valise à la consigne. La veille encore, il craignait qu’elle ne vîƸnt lui offrir toute sa vie s’il l’invitait chez lui à Prague. Maintenant, en l’entendant lui annoncer que sa valise était à la consigne, il se dit qu’elle avait mis sa vie dans cette valise et qu’elle l’avait déposée à la gare avant de la lui offrir. Il monta avec elle dans sa voiture en stationnement devant l’immeuble, alla à la gare, retira la valise (elle était grosse et infiniment lourde) et la ramena chez lui avec Tereza. Comment se fait-il qu’il se soit décidé si vite, alors qu’il avait hésité pendant près de quinze jours et qu’il ne lui avait même pas donné signe de vie ? 1 un sac en bandoulière — сумка через плечо 2 en quête d’un nouvel emploi — в поисках новой ̮ работы 9
Il en était lui-même surpris. Il agissait contre ses principes. Voici dix ans, quand il avait divorcé d’avec sa première femme, il avait vécu son divorce dans une atmosphère de liesse, comme d’autres célèbrent leur mariage. Il avait alors compris qu’il n’était pas né pour vivre aux côtés d’une femme, quelle qu’elle fût1, et qu’il ne pouvait être vraiment lui-même que célibataire. Il s’efforçait donc soigneusement d’agencer le système de sa vie de telle sorte qu’une femme ne pût jamais venir s’installer chez lui avec une valise. Aussi n’avait-il qu’un divan. Bien que ce fût un assez large divan, il affirmait à ses compagnes qu’il était incapable de s’endormir près de quelqu’un d’autre sur une couche commune et il les reconduisait toutes chez elles après minuit. D’ailleurs, la première fois, quand Tereza resta chez lui avec la grippe, il ne dormit pas avec elle. Il passa la première nuit dans un grand fauteuil, et les nuits suivantes il alla à l’hôpital où son cabinet de consultation était équipé d’une chaise longue qu’il utilisait en service de nuit. Pourtant, cette fois-ci, il s’endormit près d’elle. Au matin, quand il se réveilla, il constata que Tereza qui dormait encore lui tenait la main. S’étaient-ils tenus comme ça par la main toute la nuit ? Ça lui semblait difficilement croyable. Elle respirait profondément dans son sommeil, elle le tenait par la main (fermement, il n’arrivait pas à se dégager de son étreinte) et l’infiniment lourde valise était posée à côté du lit. Il n’osait pas dégager sa main de son étreinte de peur de la réveiller, et il se tourna très prudemment sur le côté pour pouvoir l’observer plus à son aise. Encore une fois, il se dit que Tereza était un enfant qu’on avait mis dans une corbeille enduite de poix et qu’on avait lâché au fil de l’eau. Peut-on laisser dériver sur les eaux furieuses d’un fleuve la corbeille où s’abrite un enfant ! Si la fille du 1 quelle qu’elle fût — какой ̮ бы она ни была 10