Планета людей / La Terre des Hommes
Книга для чтения на французском языке
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Тематика:
Французский язык
Издательство:
КАРО
Автор:
Сент-Экзюпери Антуан
Год издания: 2025
Кол-во страниц: 254
Дополнительно
Вид издания:
Художественная литература
Уровень образования:
Дополнительное образование
ISBN: 978-5-9925-1045-4
Артикул: 721133.02.99
Пытаясь совершить перелет Нью-Йорк — Огненная Земля на трансатлантическом самолете «Иль-де-Франс», военный летчик Антуан де Сент-Экзюпери потерпел крушение в Гватемале: его самолет рухнул, едва поднявшись над аэродромом. Механик погиб, пилот попал в госпиталь с тяжелыми переломами. Перевезенный для лечения в Нью-Йорк в крайне подавленном состоянии, Экзюпери по настоянию своего литературного наставника Жана Прево приступил к систематизации ранее опубликованных статей и написанию новых заметок «для себя», из этого материала впоследствии сложилась книга «Планета людей».
Предлагаем вниманию читателей полный неадаптированный текст с комментариями и словарем.
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УДК 372.8:821.133.1.0 ББК 81.2 Фр С31 Сент-Экзюпери, Антуан де. С31 Планета людей : книга для чтения на французском языке / А. де Сент-Экзюпери. — СанктПетербург : КАРО, 2025. — 256 с. — (Littérature contemporaine). ISBN 978-5-9925-1045-4. Пытаясь совершить перелет Нью-Йорк — Огненная Земля на трансатлантическом самолете «Иль-де-Франс», военный летчик Антуан де Сент-Экзюпери потерпел крушение в Гватемале: его самолет рухнул, едва поднявшись над аэродромом. Механик погиб, пилот попал в госпиталь с тяжелыми переломами. Перевезенный для лечения в Нью-Йорк в крайне подавленном состоянии, Экзюпери по настоянию своего литературного наставника Жана Прево приступил к систематизации ранее опубликованных статей и написанию новых заметок «для себя», из этого материала впоследствии сложилась книга «Планета людей». Предлагаем вниманию читателей полный неадаптированный текст с комментариями и словарем. УДК 372.8:821.133.1.0 ББК 81.2 Фр © КАРО, 2025 ISBN 978-5-9925-1045-4
Henri Guillaumet mon camarade je te dédie ce livre. Antoine de Saint-Exupéry
La terre nous en apprend plus long sur nous que les livres. Parce qu’elle nous résiste. L’homme se découvre quand il se mesure avec l’obstacle. Mais, pour l’atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arrache peu à peu quelques secrets à la nature, et la vérité qu’il dégage est universelle. De même l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes. J’ai toujours, devant les yeux, l’image de ma première nuit de vol en Argentine, une nuit sombre où scintillaient seules, comme des étoiles, les rares lumières éparses dans la plaine. Chacune signalait, dans cet océan de ténèbres, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on réfléchissait, on poursuivait des confidences. Dans cet autre, peut4
être, on cherchait à sonder l’espace, on s’usait en calculs sur la nébuleuse d’Andromède. Là on aimait. De loin en loin luisaient ces feux dans la campagne qui réclamaient leur nourriture. Jusqu’aux plus discrets, celui du poète, de l’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces étoiles vivantes, combien de fenêtres fermées, combien d’étoiles éteintes, combien d’hommes endormis… Il faut bien tenter de se rejoindre. Il faut bien essayer de communiquer avec quelquesuns de ces feux qui brûlent de loin en loin dans la campagne.
Chapitre I LA LIGNE C’était en 1926. Je venais d’entrer comme jeune pilote de ligne à la société Latécoère qui assura, avant l’Aéropostale, puis Air France, la liaison Toulouse– Dakar. Là j’apprenais le métier. À mon tour, comme les camarades, je subissais le noviciat que les jeunes y subissaient avant d’avoir l’honneur de piloter la poste. Essais d’avions, déplacements entre Toulouse et Perpignan1, tristes leçons de météo dans le fond d’un hangar glacial. Nous vivions dans la crainte des montagnes d’Espagne, que nous ne connaissions pas encore, et dans le respect des anciens. Ces anciens, nous les retrouvions au restaurant, bourrus, un peu distants, nous accordant de très haut 1 Perpignan — Перпиньян, город во Франции на реке Тет, административный центр департамента Восточные Пиренеи. Расположен в 13 км от берега Средиземного моря и в 31 км севернее французско-испанской границы 6
Chapitre I leurs conseils. Et quand l’un d’eux, qui rentrait d’Alicante ou de Casablanca1, nous rejoignait en retard, le cuir trempé de pluie, et que l’un de nous, timidement, l’interrogeait sur son voyage, ses réponses brèves, les jours de tempête, nous construisaient un monde fabuleux, plein de pièges, de trappes, de falaises brusquement surgies, et de remous qui eussent déraciné des cèdres. Des dragons noirs défendaient l’entrée des vallées, des gerbes d’éclairs couronnaient les crêtes. Ces anciens entretenaient avec science notre respect. Mais de temps à autre, respectable pour l’éternité, l’un d’eux ne rentrait pas. Je me souviens ainsi d’un retour de Bury, qui se tua depuis dans les Corbières2. Ce vieux pilote venait de s’asseoir au milieu de nous, et mangeait lourdement sans rien dire, les épaules encore écrasées par l’effort. C’était au soir de l’un de ces mauvais jours où, d’un bout à l’autre de la ligne, le ciel est pourri, où toutes les montagnes semblent au pilote 1 Casablanca — Касабланка, крупнейший город и порт в Марокко, на берегу Атлантического океана 2 Corbière — Корбьер, горная область и северная часть исторического района Каталонии Руссильон, который сейчас находится на территории французского департамента Восточные Пиренеи 7
TERRE DES HOMMES rouler dans la crasse comme ces canons aux amarres rompues qui labouraient le pont des voiliers d’autrefois. Je regardai Bury, j’avalai ma salive et me hasardai à lui demander enfin si son vol avait été dur. Bury n’entendait pas, le front plissé, penché sur son assiette. À bord des avions découverts, par mauvais temps, on s’inclinait hors du pare-brise, pour mieux voir, et les gifles de vent sifflaient longtemps dans les oreilles. Enfin Bury releva la tête, parut m’entendre, se souvenir, et partit brusquement dans un rire clair1. Et ce rire m’émerveilla, car Bury riait peu, ce rire bref qui illuminait sa fatigue. Il ne donna point d’autre explication sur sa victoire, pencha la tête, et reprit sa mastication dans le silence. Mais dans la grisaille du restaurant, parmi les petits fonctionnaires qui réparent ici les humbles fatigues du jour, ce camarade aux lourdes épaules me parut d’une étrange noblesse ; il laissait, sous sa rude écorce, percer l’ange qui avait vaincu le dragon. Vint enfin le soir où je fus appelé à mon tour dans le bureau du directeur. Il me dit simplement : « Vous partirez demain. » 1 partit brusquement dans un rire clair — внезапно разразился веселым смехом 8
Je restais là, debout, attendant qu’il me congédiât. Mais, après un silence, il ajouta : Chapitre I « Vous connaissez bien les consignes ? » Les moteurs, à cette époque-là, n’offraient point la sécurité qu’offrent les moteurs d’aujourd’hui. Souvent, ils nous lâchaient d’un coup, sans prévenir, dans un grand tintamarre de vaisselle brisée. Et l’on rendait la main vers la croûte rocheuse de l’Espagne qui n’offrait guère de refuges. « Ici, quand le moteur se casse, disions-nous, l’avion, hélas ! ne tarde guère à en faire autant. » Mais un avion, cela se remplace. L’important était avant tout de ne pas aborder le roc en aveugle1. Aussi nous interdisait-on, sous peine des sanctions les plus graves, le survol des mers de nuages au-dessus des zones montagneuses. Le pilote en panne, s’enfonçant dans l’étoupe blanche, eût tamponné les sommets sans les voir. C’est pourquoi, ce soir-là, une voix lente insistait une dernière fois sur la consigne : « C’est très joli de naviguer à la boussole, en Espagne, au-dessus des mers de nuages, c’est très élégant, mais… » Et, plus lentement encore : 1 en aveugle — вслепую 9
« …mais souvenez-vous : au-dessous des mers de nuages… c’est l’éternité. » Voici que brusquement, ce monde calme, si uni, TERRE DES HOMMES simple, que l’on découvre quand on émerge des nuages, prenait pour moi une valeur inconnue. Cette douceur devenait un piège. J’imaginais cet immense piège blanc étalé, là, sous mes pieds. Au-dessous ne régnaient, comme on eût pu le croire, ni l’agitation des hommes, ni le tumulte, ni le vivant charroi des villes, mais un silence plus absolu encore, une paix plus définitive. Cette glu blanche devenait pour moi la frontière entre le réel et l’irréel, entre le connu et l’inconnaissable. Et je devinais déjà qu’un spectacle n’a point de sens, sinon à travers une culture, une civilisation, un métier. Les montagnards connaissaient aussi les mers de nuages. Ils n’y découvraient cependant pas ce rideau fabuleux. Quand je sortis de ce bureau, j’éprouvai un orgueil puéril1. J’allais être à mon tour, dès l’aube, responsable d’une charge de passagers, responsable du courrier d’Afrique. Mais j’éprouvais aussi une grande humilité. Je me sentais mal préparé. L’Espagne était pauvre en refuges ; je craignais, en face de la 1 j’éprouvai un orgueil puéril — я был горд, как ребенок 10