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Этот смутный объект желания

Книга для чтения на французском языке
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Французский поэт и писатель Пьер Луис хорошо известен любителям чувственной поэзии и прозы. Представляем читателю два его произведения — «Афродита. Античные нравы» и «Женщина и паяц». Блестящая и скандальная «Афродита» сделала 26-летнего автора знаменитым и выдержала не менее ста переизданий у себя на родине. Самый знаменитый роман автора «Женщина и паяц» волнует уже не одно поколение читателей. На страницах, свободных от условностей, живет чувственная любовь во всех ее проявлениях. Книга была многократно экранизирована, в том числе великим Луисом Бунюэлем под названием «Этот смутный объект желания». В книге представлен полный неадаптированный текст произведений на языке оригинала.
Луис, П. Этот смутный объект желания : книга для чтения на французском языке : художественная литература / П. Луис. - Санкт-Петербург : КАРО, 2021. - 320 с. - (Littérature classique). - ISBN 978-5-9925-1514-5. - Текст : электронный. - URL: https://znanium.com/catalog/product/1864603 (дата обращения: 28.11.2024). – Режим доступа: по подписке.
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CET OBSCUR  

OBJET DU DÉSIR

УДК  372.881.1 : 811.133.1
ББК  81.2 Фр–93 
 
Л83

ISBN 978-5-9925-1514-5

Луис, Пьер.

Л83       Этот смутный объект желания. Книга для чтения  

на французском языке / П. Луис. — Санкт-Петербург : 
КАРО : 2021. — 320 с. — (Littérature classique).

ISBN 978-5-9925-1514-5.

Французский поэт и писатель Пьер Луис хорошо из
вестен любителям чувственной поэзии и прозы. Представляем читателю два его произведения — «Афродита. 
Античные нравы» и «Женщина и паяц».

Блестящая и скандальная «Афродита» сделала 26-лет
него автора знаменитым и выдержала не менее ста переизданий у себя на родине.

Самый знаменитый роман автора «Женщина и паяц» 

волнует уже не одно поколение читателей. На страницах, 
свободных от условностей, живет чувственная любовь во 
всех ее проявлениях. Книга была многократно экранизирована, в том числе великим Луисом Бунюэлем под названием «Этот смутный объект желания».

В книге представлен полный неадаптированный 

текст произведений на языке оригинала.

УДК 372.881.1 : 811.133.1

ББК 81.2 Фр–93

© КАРО, 2021
Все права защищены

LA FEMME ET LE PANTIN

Roman espagnol

A ANDRÉ LEBEY

Son Ami,

P. L.


                                    
I

Comment un mot écrit sur une coquille d’œuf  

tint lieu de deux billets tour à tour

Le carnaval d’Espagne ne se termine pas, comme le 

nôtre, à huit heures du matin le mercredi des Cendres. Sur 
la gaieté merveilleuse de Séville, le memento quia pulvis es 
ne répand que pour quatre jours son odeur de sépulture: et 
le premier dimanche de carême, tout le carnaval ressuscite.

C’est le Domingo de Piñatas, le dimanche des Marmites, 

la Grande Fête. Toute la ville populaire a changé de costume 
et l’on voit courir par les rues des loques rouges, bleues, 
vertes, jaunes ou roses qui ont été des moustiquaires, 
des rideaux ou des jupons de femmes et qui flottent au 
soleil sur les petits corps bruns d’une marmaille hurlante 
et multicolore. Les enfants se groupent de toutes parts 
en bataillons tumultueux qui brandissent une chiffe au 
bout d’un bâton et conquièrent à grands cris les ruelles 
sous l’incognito d’un loup de toile, d’où la joie des yeux 
s’échappe par deux trous: «¡Anda! ¡Hombre! que no me 
conoce!» crient-ils, et la foule des grandes personnes 
s’écarte devant cette terrible invasion masquée.

Aux fenêtres, aux miradores, se pressent d’innombrables 

têtes brunes. Toutes les jeunes filles de la contrée sont 
venues ce jour-là dans Séville, et elles penchent sous la 

lumière leurs têtes chargées de cheveux pesants. Les 
papelillos tombent comme la neige. L’ombre des éventails 
teinte de bleu pâle les petites joues poudrerizées. Des cris, 
des appels, des rires bourdonnent ou glapissent dans les 
rues étroites. Quelques milliers d’habitants font, ce jour de 
carnaval, plus de bruit que Paris tout entier.

Or, le 23 février 1896, dimanche de Piñatas, André 

Stévenol voyait approcher la fin du carnaval de Séville 
avec un léger sentiment de dépit, car cette semaine 
essentiellement amoureuse ne lui avait procuré aucune 
aventure nouvelle. Quelques séjours en Espagne lui avaient 
appris cependant avec quelle promptitude et quelle 
franchise de cœur les nœuds se forment et se dénouent sur 
cette terre encore primitive, et il s’attristait que le hasard 
et l’occasion lui eussent été défavorables.

Tout au plus, une jeune fille avec laquelle il avait 

engagé une longue bataille de serpentins entre la rue et 
la fenêtre, était-elle descendue en courant, après lui avoir 
fait signe, pour lui remettre un petit bouquet rouge, avec 
un «Muchísima’ grasia’, cavayero», jargonné à l’andalouse. 
Mais elle était remontée si vite, et d’ailleurs, vue de plus 
près, elle l’avait tellement désillusionné, qu’André s’était 
borné à mettre le bouquet à sa boutonnière sans mettre 
la femme dans sa mémoire. Et la journée lui en parut plus 
vide encore.

Quatre heures sonnèrent à vingt horloges. Il quitta las 

Sierpes, passa entre la Giralda et l’antique Alcazar, et par la 
calle Rodrigo il gagna les Delicias, Champs-Élysées d’arbres 
ombreux le long de l’immense Guadalquivir peuplé de 
vaisseaux.

C’était là que se déroulait le carnaval élégant.

À Séville, la classe aisée n’est pas toujours assez riche 

pour faire trois repas par jour; mais elle aimerait mieux 
jeûner que se priver du luxe extérieur qui pour elle 
consiste uniquement en la possession d’un landau et de 
deux chevaux irréprochables. Cette petite ville de province 
compte quinze cents voitures de maître, de forme démodée 
souvent, mais rajeunies par la beauté des bêtes, et d’ailleurs 
occupées par des figures de si noble race, qu’on ne songe 
point à se moquer du cadre.

André Stévenol parvint à grand-peine à se frayer un 

chemin dans la foule qui bordait des deux côtés la vaste 
avenue poussiéreuse. Le cri des enfants vendeurs dominait 
tout: «¡Huevo’! Huevo’!» C’était la bataille des œufs.

«¡Huevo’! ¿Quien quiere huevo’?! A do’ perra’ gorda’ la 

docena!»

Dans des corbeilles d’osier jaunes, s’entassaient des 

centaines de coquilles d’œufs, vidées, puis remplies de 
papelillos et recollées par une bande fragile. Cela se lançait 
à tour de bras, comme des balles de lycéens, au hasard des 
visages qui passaient dans les lentes voitures; et, debout 
sur les banquettes bleues, les caballeros et les señoras 
ripostaient sur la foule compacte en s’abritant comme ils 
pouvaient sous de petits éventails plissés.

Dès le début, André fit emplir ses poches de ces 

projectiles inoffensifs, et se battit avec entrain.

C’était un réel combat, car les œufs, sans jamais blesser, 

frappaient toutefois avec force avant d’éclater en neige de 
couleur, et André se surprit à lancer les siens d’un bras un 
peu plus vif qu’il n’était nécessaire. Une fois même, il brisa 
en deux un éventail d’écaille fragile. Mais aussi qu’il était 
déplacé de paraître à une telle mêlée avec un éventail de 
bal! Il continua sans s’émouvoir.

Les voitures passaient, voitures de femmes, voitures 

d’amants, de familles, d’enfants ou d’amis. André regardait 
cette multitude heureuse défiler dans un bruissement de 
rires sous le premier soleil de printemps. À plusieurs 
reprises il avait arrêté ses yeux sur d’autres yeux, 
admirables. Les jeunes filles de Séville ne baissent pas 
les paupières et elles acceptent l’hommage des regards 
qu’elles retiennent longtemps. Comme le jeu durait déjà 
depuis une heure, André pensa qu’il pouvait se retirer, et 
d’une main hésitante il tournait dans sa poche le dernier 
œuf qui lui restât, quand il vit reparaître soudain la jeune 
femme dont il avait brisé l’éventail.

Elle était merveilleuse.
Privée de l’abri qui avait quelque temps protégé son 

délicat visage rieur, livrée de toutes parts aux attaques qui 
lui venaient de la foule et des voitures voisines, elle avait 
pris son parti de la lutte, et, debout, haletante, décoiffée, 
rouge de chaleur et de gaieté franche, elle ripostait!

Elle paraissait vingt-deux ans. Elle devait en avoir 

dix-huit. Qu’elle fût andalouse, cela n’était pas douteux. 
Elle avait ce type, admirable entre tous, qui est né du 
mélange des Arabes avec les Vandales, des Sémites avec 
les Germains, et qui rassemble exceptionnellement dans 
une petite vallée d’Europe toutes les perfections opposées 
des deux races.

Son corps souple et long était expressif tout entier. 

On sentait que, même en lui voilant le visage, on pouvait 
deviner sa pensée et qu’elle souriait avec les jambes 
comme elle parlait avec le torse. Seules les femmes que 
les longs hivers du Nord n’immobilisent pas près du feu, 
ont cette grâce et cette liberté.—Ses cheveux n’étaient que 

châtain foncé; mais à distance, ils brillaient presque noirs 
en recouvrant la nuque de leur conque épaisse. Ses joues, 
d’une extrême douceur de contour, semblaient poudrées 
de cette fleur délicate qui embrume la peau des créoles. Le 
mince bord de ses paupières était naturellement sombre.

André, poussé par la foule jusqu’au marchepied de sa 

voiture, la considéra longuement. Il sourit, en se sentant 
ému, et de rapides battements de cœur lui apprirent que 
cette femme était de celles qui joueraient un rôle dans sa 
vie.

Sans perdre de temps, car à tout moment le flot des 

voitures un instant arrêtées pouvait repartir, il recula 
comme il put. Il prit dans sa poche le dernier de ses œufs, 
écrivit au crayon sur la coquille blanche les six lettres du mot 
Quiero, et choisissant un instant où les yeux de l’inconnue 
s’attachèrent aux siens, il lui jeta l’œuf doucement, de bas 
en haut, comme une rose.

La jeune femme le reçut dans la main.

Quiero est un verbe étonnant qui veut tout dire. C’est 

vouloir, désirer, aimer, c’est quérir et c’est chérir. Tour à tour 
et selon le ton qu’on lui donne, il exprime la passion la plus 
impérative ou le caprice le plus léger. C’est un ordre ou une 
prière, une déclaration ou une condescendance. Parfois, ce 
n’est qu’une ironie.

Le regard par lequel André l’accompagna signifiait 

simplement: «J’aimerais vous aimer.»

Comme si elle eût deviné que cette coquille portait 

un message, la jeune femme la glissa dans un petit sac de 
peau qui pendait à l’avant de sa voiture. Sans doute elle 
allait se retourner; mais le courant du défilé l’emporta 
rapidement vers la droite, et, d’autres voitures survenant, 

André la perdit de vue avant d’avoir pu réussir à fendre la 
foule à sa suite.

Il s’écarta du trottoir, se dégagea comme il put, courut 

dans une contre-allée... mais la multitude qui couvrait 
l’avenue ne lui permit pas d’agir assez vite, et quand il 
parvint à monter sur un banc d’où il domina la bataille, la 
jeune tête qu’il cherchait avait disparu.

Attristé, il revint lentement par les rues; pour lui, tout 

le carnaval se recouvrit soudain d’une ombre.

Il s’en voulait à lui-même de la fatalité maussade qui 

venait de trancher son aventure. Peut-être, s’il eût été plus 
déterminé, eût-il pu trouver une voie entre les roues et le 
premier rang de la foule... Et maintenant, où retrouver cette 
femme? Était-il sûr qu’elle habitât Séville? Si par malheur 
il n’en était rien, où la chercher, dans Cordoue, dans Jérez, 
ou dans Malaga? C’était l’impossible.

Et peu à peu, par une illusion déplorable, l’image 

devint plus charmante en lui. Certains détails des traits 
n’eussent mérité qu’une attention curieuse: ils devinrent 
dans sa mémoire les motifs principaux de sa tendresse 
navrée. Il avait remarqué, ainsi, qu’au lieu de laisser pendre 
toutes lisses les deux mèches des petits cheveux sur les 
tempes, elle les gonflait au fer en deux coques arrondies. Ce 
n’était pas une mode très originale, et bien des Sévillanes 
prenaient le même soin; mais sans doute la nature de leurs 
cheveux ne se prêtait pas aussi bien à la perfection de ces 
boucles en boule, car André ne se souvenait pas d’en avoir 
vu qui, même de loin, pussent se comparer à celles-là.

En outre, les coins des lèvres étaient d’une mobilité 

extrême. Ils changeaient à chaque instant et de forme et 
d’expression, tantôt presque retroussés, ronds ou minces, 
pâles ou sombres, animés d’une flamme variable. Oh! on 
pouvait blâmer tout le reste, soutenir que le nez n’était 

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