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Манон Леско

Книга для чтения на французском языке
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Знаменитая «История кавалера де Грие и Манон Леско» уникальна и прочно заняла место среди самых выдающихся произведений мировой литературы. Аббат Прево создал в своей повести два незабываемых образа: кавалера де Грие — образец беззаветной любви, самоотверженности и всепрощения, и образ Манон, которому нет равного по художественному совершенству в мировой литературе, — жившая триста лет назад героиня все так же пленительна, хотя ее нравственные устои далеки от совершенства даже по сегодняшним меркам. Предлагаем вниманию читателей неадаптированный текст романа, снабженный комментариями и словарем.
Прево, А. Манон Леско : книга для чтения на французском языке : художественная литература / А. Прево. - Санкт-Петербург : КАРО, 2021. - 256 с. - (Littérature classique). - ISBN 978-5-9925-1528-2. - Текст : электронный. - URL: https://znanium.com/catalog/product/1864601 (дата обращения: 28.11.2024). – Режим доступа: по подписке.
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AbbeÉ PREVOST

MANON LESCAUT

LITTERATURE CLASSIQUE

Комментарии и словарь  
А. Г. Мигачевой

УДК  372.881.1 : 811.133.1
ББК  81.2 Фр-93 
 
П71

ISBN 978-5-9925-1528-2

Antoine François Prévost
(Abbé Prévost d'Exiles)
Histoire du chevalier des Grieux  
et de Manon Lescaut
(Manon Lescaut)

Прево, аббат.

П71       Манон Леско : книга для чтения на французском 
языке / Аббат Прево. — Санкт-Петербург : КАРО, 
2021. — 256 с. — (Littérature classique).

ISBN 978-5-9925-1528-2.

Знаменитая «История кавалера де Грие и Манон 
Леско» уникальна и прочно заняла место среди самых 
выдающихся произведений мировой литературы. Аббат 
Прево создал в своей повести два незабываемых образа: 
кавалера де Грие — образец беззаветной любви, самоотверженности и всепрощения, и образ Манон, которому 
нет равного по художественному совершенству в мировой литературе, — жившая триста лет назад героиня все 
так же пленительна, хотя ее нравственные устои далеки 
от совершенства даже по сегодняшним меркам. 
Предлагаем вниманию читателей неадаптированный 
текст романа, снабженный комментариями и словарем.

УДК 372.881.1 : 811.133.1
ББК 81.2 Фр-93

© КАРО, 2021
Все права защищены

Première partie 
 

L’abbé Antonie-François Prévost

1697–1763

Je suis obligé de faire remonter mon lecteur au temps 
de ma vie où je rencontrai pour la première fois le chevalier des Grieux. Ce fut environ six mois avant mon départ 
pour l’Espagne. Quoique je sortisse rarement de ma solitude, la complaisance que j’avais pour ma fille m’engageait quelquefois à divers petits voyages, que j’abrégeais 
autant qu’il m’était possible. Je revenais un jour de Rouen, 
où elle m’avait prié d’aller solliciter une affaire au Parle
ment de Normandie pour la succession de quelques terres 
auxquelles je lui avais laissé des prétentions du côté de 
mon grand-père maternel. Ayant repris mon chemin par 
Évreux, où je couchai la première nuit, j’arrivai le lendemain pour dîner à Pacy, qui en est éloigné de cinq ou six 
lieues. Je fus surpris, en entrant dans ce bourg, d’y voir 
tous les habitants en alarme. Ils se précipitaient de leurs 
maisons pour courir en foule à la porte d’une mauvaise 
hôtellerie, devant laquelle étaient deux chariots couverts. 
Les chevaux, qui étaient encore attelés et qui paraissaient 

fumants de fatigue et de chaleur, marquaient que ces deux 
voitures ne faisaient qu’arriver. Je m’arrêtai un moment 
pour m’informer d’où venait le tumulte ; mais je tirai peu 
d’éclaircissement d’une populace curieuse, qui ne faisait 

nulle attention à mes demandes, et qui s’avançait tou
jours vers l’hôtellerie, en se poussant avec beaucoup de 

confusion. Enfin, un archer revêtu d’une bandoulière, et 

le mousquet sur l’épaule, ayant paru à la porte, je lui fis 

signe de la main de venir à moi. Je le priai de m’apprendre 

le sujet de ce désordre. Ce n’est rien, monsieur, me dit-il ; 

c’est une douzaine de filles de joie que je conduis, avec mes 

compagnons, jusqu’au Havre-de-Grâce, où nous les ferons 

embarquer pour l’Amérique. Il y en a quelques-unes de jo
lies, et c’est apparemment ce qui excite la curiosité de ces 

bons paysans. J’aurais passé après cette explication, si je 

n’eusse été arrêté par les exclaniations d’une vieille femme 

qui sortait de l’hôtelerie en joignant les mains, et criant que 

c’était une chose barbare, une chose qui faisait horreur et 

compassion. De quoi s’agit-il donc ? lui dis-je. Ah ! mon
sieur, entrez, répondit-elle, et voyez si ce spectacle n’est pas 

capable de fendre le cœur !1 La curiosité me fit descendre 

de mon cheval, que je laissai à mon palefrenier. J’entrai avec 

peine, en perçant la foule, et je vis, en effet, quelque chose 

d’assez touchant. Parmi les douze filles qui étaient enchaî
nées six par six par le milieu du corps, il y en avait une dont 

l’air et la figure étaient si peu conformes à sa condition, 

1 monsieur, entrez, répondit-elle, et voyez si ce spectacle n’est pas 
capable de fendre le cœur! — Господин, входите, — ответила 
она, — и посмотрите, не способно ли это зрелище разорвать 
сердце!

qu’en tout autre état je l’eusse prise pour une personne 

du premier rang. Sa tristesse et la saleté de son linge et de 

ses habits l’enlaidissaient si peu que sa vue m’inspira du 

respect et de la pitié. Elle tâchait néanmoins de se tourner, 

autant que sa chaîne pouvait le permettre, pour dérober 

son visage aux yeux des spectateurs. L’effort qu’elle faisait 

pour se cacher était si naturel, qu’il paraissait venir d’un 

sentiment de modestie. Comme les six gardes qui accom
pagnaient cette malheureuse bande étaient aussi dans la 

chambre, je pris le chef en particulier et je lui demandai 

quelques lumières sur le sort de cette belle fille.1 Il ne put 

m’en donner que de fort générales. Nous l’avons tirée de 

l’Hôpital, me dit-il, par ordre de M. le Lieutenant général de 

Police. Il n’y a pas d’apparence qu’elle y eût été renfermée 

pour ses bonnes actions. Je l’ai interrogée plusieurs fois sur 

la route, elle s’obstine à ne me rien répondre. Mais, quoique 

je n’aie pas reçu ordre de la ménager plus que les autres, 

je ne laisse pas d’avoir quelques égards pour elle, parce 

qu’il me semble qu’elle vaut un peu mieux que ses com
pagnes. Voilà un jeune homme, ajouta l’archer, qui pourrait 

vous instruire mieux que moi sur la cause de sa disgrâce ; 

il l’a suivie depuis Paris, sans cesser presque un moment 

1 je pris le chef en particulier et je lui demandai quelques lumières 
sur le sort de cette belle fille — я отвел главного в сторону и попросил у него некоторых разъяснений о судьбе этой красивой девушки.

de pleurer. Il faut que ce soit son frère ou son amant. Je 
me tournai vers le coin de la chambre où ce jeune homme 
était assis. Il paraissait enseveli dans une rêverie profonde. 
Je n’ai jamais vu de plus vive image de la douleur. Il était 
mis fort simplement1; mais on distingue, au premier coup 
d’oeil, un homme qui a de la naissance et de l’éducation. Je 
m’approchai de lui. Il se leva; et je découvris dans ses yeux, 
dans sa figure et dans tous ses mouvements, un air si fin et 
si noble que je me sentis porté naturellement à lui vouloir 
du bien. Que je ne vous trouble point, lui dis-je, en m’asseyant près de lui. Voulez-vous bien satisfaire la curiosité 
que j’ai de connaître cette belle personne, qui ne me paraît 
point faite pour le triste état où je la vois ? Il me répondit 
honnêtement qu’il ne pouvait m’apprendre qui elle était 
sans se faire connaître lui-même, et qu’il avait de fortes 
raisons pour souhaiter de demeurer inconnu. Je puis vous 
dire, néanmoins, ce que ces misérables n’ignorent point, 
continua-t-il en montrant les archers, c’est que je l’aime 
avec une passion si violente qu’elle me rend le plus infortuné de tous les hommes. J’ai tout employé, à Paris, pour obtenir sa liberté. Les sollicitations, l’adresse et la force m’ont 
été inutiles ; j’ai pris le parti de la suivre, dût-elle aller au 
bout du monde. Je m’embarquerai avec elle ; je passerai 
en Amérique. Mais ce qui est de la dernière inhumanité, 
ces lâches coquins, ajouta-t-il en parlant des archers, ne 

1 Il était mis fort simplement — Он был довольно просто одет.

veulent pas me permettre d’approcher d’elle. Mon dessein 

était de les attaquer ouvertement, à quelques lieues de Pa
ris. Je m’étais associé quatre hommes qui m’avaient promis 
leur secours pour une somme considérable. Les traîtres 

m’ont laissé seul aux mains et sont partis avec mon argent. 
L’impossibilité de réussir par la force m’a fait mettre les 
armes bas. J’ai proposé aux archers de me permettre du 

moins de les suivre en leur offrant de les récompenser. Le 

désir du gain les y a fait consentir. Ils ont voulu être payés 

chaque fois qu’ils m’ont accordé la liberté de parler à ma 
maîtresse. Ma bourse s’est épuisée en peu de temps, et 

maintenant que je suis sans un sou1, ils ont la barbarie de 

me repousser brutalement lorsque je fais un pas vers elle. 

Il n’y a qu’un instant, qu’ayant osé m’en approcher malgré 
leurs menaces, ils ont eu l’insolence de lever contre moi 

le bout du fusil. Je suis obligé, pour satisfaire leur avarice 

et pour me mettre en état de continuer la route à pied, de 

vendre ici un mauvais cheval qui m’a servi jusqu’à présent 

de monture.
Quoiqu’il parût faire assez tranquillement ce récit, il 

laissa tomber quelques larmes en le finissant. Cette aventure me parut des plus extraordinaires et des plus tou
chantes. Je ne vous presse pas, lui dis-je, de me découvrir 

1 Ma bourse s’est épuisée en peu de temps, et maintenant que je 
suis sans un sou — Мой кошелек быстро опустел, и теперь, 
когда я без гроша

le secret de vos affaires, mais, si je puis vous être utile à 
quelque chose, je m’offre volontiers à vous rendre service. 
Hélas ! reprit-il, je ne vois pas le moindre jour à l’espérance.1 Il faut que je me soumette à toute la rigueur de 
mon sort. J’irai en Amérique. J’y serai du moins libre avec 
ce que j’aime. J’ai écrit à un de mes amis qui me fera tenir 
quelque secours au Havre-de-Grâce. Je ne suis embarrassé que pour m’y conduire et pour procurer à cette pauvre 
créature, ajouta-t-il en regardant tristement sa maîtresse, 

quelque soulagement sur la route. Hé bien, lui dis-je, je vais 
finir votre embarras. Voici quelque argent que je vous prie 
d’accepter. Je suis fâché de ne pouvoir vous servir autrement. Je lui donnai quatre louis d’or, sans que les gardes 
s’en aperçussent, car je jugeais bien que, s’ils lui savaient 
cette somme, ils lui vendraient plus chèrement leurs secours. Il me vint même à l’esprit de faire marché avec eux 
pour obtenir au jeune amant la liberté de parler continuellement à sa maîtresse jusqu’au Havre. Je fis signe au chef 
de s’approcher, et je lui en fis la proposition. Il en parut 
honteux, malgré son effronterie. Ce n’est pas, monsieur, 
répondit-il d’un air embarrassé, que nous refusions de le 
laisser parler à cette fille, mais il voudrait être sans cesse 
auprès d’elle; cela nous est incommode ; il est bien juste 
qu’il paye pour l’incommodité. Voyons donc, lui dis-je, ce 

1 Hélas ! reprit-il, je ne vois pas le moindre jour à l’espérance — 
Увы! — продолжил он, — у меня больше нет надежды

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