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Отец Горио

Книга для чтения на французском языке
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Оноре де Бальзак (1799-1850) — всемирно известный французский писатель-романист. «Отец Горио» (1834) — первый роман серии «Человеческая комедия». Главный герой Бальзака — некогда преуспевающий торговец хлебом, а ныне живущий на чердаке одного из пансионов Парижа — старик Горио. Весь мир как бы перестал для него существовать, ведь он потерял все, что любил… В книге представлен неадаптированный текст на языке оригинала.
де Бальзак, О. Бальзак, О. Отец Горио : книга для чтения на французском языке : художественная литература / О. Бальзак. - Санкт-Петербург : КАРО, 2020. - 320 с. - (Littérature classique). - ISBN 978-5-9925-1478-0. - Текст : электронный. - URL: https://znanium.ru/catalog/product/1864598 (дата обращения: 23.11.2024). – Режим доступа: по подписке.
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HONORÉ DE BALZAC

LE PÈRE  GORIOT

Комментарии,  словарь  Е. С. Васильевой

© Антология, 2005
© КАРО, 2005

УДК 821:811.133.1
ББК 81.2Фр
 
Б 21

ISBN 978-5-9925-1478-0

Б 21

Бальзак, Оноре де.

Отец Горио: Книга для чтения на французском языке / 
О. де Бальзак. — Санкт-Петербург : КАРО, 2020. — 320 с. — 
(Littérature classique).

ISBN 978-5-9925-1478-0.

Оноре де Бальзак (1799–1850) — всемирно известный французский писатель-романист. 
«Отец Горио» (1834) — первый роман серии «Человеческая 
комедия». Главный герой Бальзака — некогда преуспевающий 
торговец хлебом, а ныне живущий на чердаке одного из пансионов Парижа — старик Горио. Весь мир как бы перестал для него 
существовать, ведь он потерял все, что любил…
В книге представлен неадаптированный текст на языке оригинала.
УДК 821:811.133.1 
ББК  81.2Фр

Au grand et illustre Geoffroy Saint-Hilaire
Comme un témoignage d’admiration
de ses travaux et de son génie.

de Balzac

I

UNE PENSION BOURGEOISE

Madame Vauquer, née de Conflans, est une vieille femme
qui, depuis quarante ans, tient à Paris une pension bourgeoise
établie rue Neuve-Sainte-Geneviève, entre le Quartier Latin et
le faubourg Saint-Marceau. Cette pension, connue sous le nom
de la Maison-Vauquer, admet également des hommes et des
femmes, des jeunes gens et des vieillards, sans que jamais la
médisance ait attaqué les mœurs de ce respectable
établissement. Mais aussi depuis trente ans ne s’y était-il jamais
vu de jeune personne, et pour qu’un jeune homme y demeure,
sa famille doit-elle lui faire une bien maigre pension. Néanmoins,
en 1819, époque à laquelle ce drame commence, il s’y trouvait
une pauvre jeune fille. En quelque discrédit que soit tombé le
mot «drame» par la manière abusive et tortionnaire dont il a été
prodigué dans ces temps de douloureuse littérature, il est
nécessaire de l’employer ici: non que cette histoire soit
dramatique dans le sens vrai du mot; mais, l’œuvre accomplie,
peut-être aura-t-on versé quelques larmes intra muros et extra1.

1 larmes intra muros et extra –
HONORÉ DE BALZAC

Sera-t-elle comprise au-delà de Paris? Le doute est permis. Les
particularités de cette scène pleine d’observations et de
couleurs locales ne peuvent être appréciées qu’entre les buttes
de Montmartre et les hauteurs de Montrouge, dans cette illustre
vallée de plâtras incessamment près de tomber et de ruisseaux
noirs de boue; vallée remplie de souffrances réelles, de joies
souvent fausses, et si terriblement agitée qu’il faut je ne sais
quoi d’exorbitant pour y produire une sensation de quelque
durée. Cependant il s’y rencontre çà et là des douleurs que
l’agglomération des vices et des vertus rend grandes et
solennelles: à leur aspect, les égoïsmes, les intérêts s’arrêtent
et s’apitoient; mais l’impression qu’ils en reçoivent est comme
un fruit savoureux promptement dévoré. Le char de la
civilisation, semblable à celui de l’idole de Jaggernat, à peine
retardé par un cœur moins facile à broyer que les autres et qui
enraie sa roue, l’a brisé bientôt et continue sa marche glorieuse.
Ainsi ferez-vous, vous qui tenez ce livre d’une main blanche,
vous qui vous enfoncez dans un mœlleux fauteuil en vous
disant: «Peut-être ceci va-t-il m’amuser». Après avoir lu les
secrètes infortunes du père Goriot, vous dînerez avec appétit
en mettant votre insensibilité sur le compte de l’auteur, en le
taxant d’exagération, en l’accusant de poésie. Ah! sachez-le:
ce drame n’est ni une fiction, ni un roman. All is true1, il est si
véritable, que chacun peut en reconnaître les éléments chez
soi, dans son cœur peut-être.
La maison où s’exploite la pension bourgeoise appartient à
madame Vauquer. Elle est située dans le bas de la rue NeuveSainte-Geneviève, à l’endroit où le terrain s’abaisse vers la rue

1 All is true –
LE PÈRE GORIOT

de l’Arbalète par une pente si brusque et si rude que les chevaux
la montent ou la descendent rarement. Cette circonstance est
favorable au silence qui règne dans ces rues serrées entre le
dôme du Val-de-Grâce et le dôme du Panthéon, deux monuments
qui changent les conditions de l’atmosphère en y jetant des
tons jaunes, en y assombrissant tout par les teintes sévères
que projettent leurs coupoles. Là, les pavés sont secs, les
ruisseaux n’ont ni boue ni eau, l’herbe croit le long des murs.
L’homme le plus insouciant s’y attriste comme tous les passants,
le bruit d’une voiture y devient un événement, les maisons y
sont mornes, les murailles y sentent la prison. Un Parisien égaré
ne verrait là que des pensions bourgeoises ou des institutions,
de la misère ou de l’ennui, de la vieillesse qui meurt, de la
joyeuse jeunesse contrainte à travailler. Nul quartier de Paris
n’est plus horrible, ni, disons-le, plus inconnu.
La rue Neuve-Sainte-Geneviève surtout est comme un cadre
de bronze, le seul qui convienne à ce récit, auquel on ne saurait
trop préparer l’intelligence par des couleurs brunes, par des
idées graves; ainsi que, de marche en marche, le jour diminue et
le chant du conducteur se creuse, alors que le voyageur
descend aux Catacombes. Comparaison vraie! Qui décidera de
ce qui est plus horrible à voir, ou des cœurs desséchés, ou des
crânes vides?
La façade de la pension donne sur un jardinet, en sorte que
la maison tombe à angle droit sur la rue Neuve-Sainte-Geneviève,
où vous la voyez coupée dans sa profondeur. Le long de cette
façade, entre la maison et le jardinet, règne un cailloutis en
cuvette, large d’une toise, devant lequel est une allée sablée,
bordée de géraniums, de lauriers-roses et de grenadiers plantés
dans de grands vases en faïence bleue et blanche. On entre dans

HONORÉ DE BALZAC

cette allée par une porte bâtarde, surmontée d’un écriteau sur
lequel est écrit: «MAISON-VAUQUER», et dessous: «Pension
bourgeoise des deux sexes et autres». Pendant le jour, une porte
à claire-voie, armée d’une sonnette criarde, laisse apercevoir au
bout du petit pavé, sur le mur opposé à la rue, une arcade peinte
en marbre vert par un artiste du quartier. Sous le renfoncement
que simule cette peinture, s’élève une statue représentant
l’Amour. A voir le vernis écaillé qui la couvre, les amateurs de
symboles y découvriraient peut-être un mythe de l’amour parisien
qu’on guérit à quelques pas de là. Sous le socle, cette inscription
à demi effacée rappelle le temps auquel remonte cet ornement
par l’enthousiasme dont il témoigne pour Voltaire, rentré dans
Paris en 1777:

Qui que tu sois, voici ton maître:
Il l’est, le fut, ou le doit être.

A la nuit tombante, la porte à claire-voie est remplacée par
une porte pleine.
Le jardinet, aussi large que la façade est longue, se trouve
encaissé par le mur de la rue et par le mur mitoyen de la maison
voisine, le long de laquelle pend un manteau de lierre qui la
cache entièrement, et attire les yeux des passants par un effet
pittoresque dans Paris. Chacun de ces murs est tapissé
d’espaliers et de vignes dont les fructifications grêles et
poudreuses sont l’objet des craintes annuelles de madame
Vauquer et de ses conversations avec les pensionnaires. Le
long de chaque muraille, règne une étroite allée qui mène à un
couvert de tilleuls, mot que madame Vauquer, quoique née de
Conflans, prononce obstinément «tieuille», malgré les
observations grammaticales de ses hôtes. Entre les deux allées

LE PÈRE GORIOT

latérales est un carré d’artichauts flanqué d’arbres fruitiers en
quenouille, et bordé d’oseille, de laitue ou de persil. Sous le
couvert de tilleuls est plantée une table ronde peinte en vert, et
entourée de sièges. Là, durant les jours caniculaires, les convives
assez riches pour se permettre de prendre du café viennent le
savourer par une chaleur capable de faire éclore des œufs.
La façade, élevée de trois étages et surmontée de mansardes,
est bâtie en mœllons, et badigeonnée avec cette couleur jaune
qui donne un caractère ignoble à presque toutes les maisons
de Paris. Les cinq croisées percées à chaque étage ont de petits
carreaux et sont garnies de jalousies dont aucune n’est relevée
de la même manière, en sorte que toutes leurs lignes jurent
entre elles. La profondeur de cette maison comporte deux
croisées qui, au rez-de-chaussée, ont pour ornement des
barreaux en fer, grillagés. Derrière le bâtiment est une cour large
d’environ vingt pieds, où vivent en bonne intelligence des
cochons, des poules, des lapins, et au fond de laquelle s’élève
un hangar à serrer le bois. Entre ce hangar et la fenêtre de la
cuisine se suspend le garde-manger, au-dessous duquel
tombent les eaux grasses de l’évier. Cette cour a sur la rue
Neuve-Sainte-Geneviève une porte étroite par où la cuisinière
chasse les ordures de la maison en nettoyant cette sentine à
grand renfort d’eau, sous peine de pestilence.
Naturellement destiné à l’exploitation de la pension
bourgeoise, le rez-de-chaussée se compose d’une première pièce
éclairée par les deux croisées de la rue, et où l’on entre par une
porte-fenêtre. Ce salon communique à une salle à manger qui est
séparée de la cuisine par la cage d’un escalier dont les marches
sont en bois et en carreaux mis en couleur et frottés. Rien n’est
plus triste à voir que ce salon meublé de fauteuils et de chaises

HONORÉ DE BALZAC

en étoffe de crin à raies alternativement mates et luisantes. Au
milieu se trouve une table ronde à dessus de marbre SainteAnne, décorée de ce cabaret en porcelaine blanche ornée de
filets d’or effacés à demi, que l’on rencontre partout aujourd’hui.
Cette pièce, assez mal planchéiée, est lambrissée à hauteur
d’appui. Le surplus des parois est tendu d’un papier verni
représentant les principales scènes de Télémaque, et dont les
classiques personnages sont coloriés. Le panneau d’entre les
croisées grillagées offre aux pensionnaires le tableau du festin
donné au fils d’Ulysse par Calypso. Depuis quarante ans, cette
peinture excite les plaisanteries des jeunes pensionnaires, qui se
croient supérieurs à leur position en se moquant du dîner auquel
la misère les condamne. La cheminée en pierre, dont le foyer
toujours propre atteste qu’il ne s’y fait de feu que dans les
grandes occasions, est ornée de deux vases pleins de fleurs
artificielles, vieillies et encagées, qui accompagnent une pendule
en marbre bleuâtre du plus mauvais goût.
Cette première pièce exhale une odeur sans nom dans la
langue, et qu’il faudrait appeler l’odeur de pension. Elle sent le
renfermé, le moisi, le rance; elle donne froid, elle est humide au
nez, elle pénètre les vêtements; elle a le goût d’une salle où l’on
a dîné; elle pue le service, l’office, l’hospice. Peut-être pourraitelle se décrire si l’on inventait un procédé pour évaluer les
quantités élémentaires et nauséabondes qu’y jettent les
atmosphères catarrhales et sui generis de chaque
pensionnaire, jeune ou vieux1. Eh bien! malgré ces plates

1 les atmosphères catarrhales et sui generis de chaque
pensionnaire, jeune ou vieux –
LE PÈRE GORIOT

horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est
contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme
doit l’être un boudoir.
Cette salle, entièrement boisée, fut jadis peinte en une couleur
indistincte aujourd’hui, qui forme un fond sur lequel la crasse a
imprimé ses couches de manière à y dessiner des figures bizarres.
Elle est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes
échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique, des piles
d’assiettes en porcelaine épaisse, à bords bleus, fabriquées à
Tournai. Dans un angle est placée une boite à cases numérotées
qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses, de chaque
pensionnaire. Il s’y rencontre de ces meubles indestructibles,
proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la
civilisation aux Incurables. Vous y verriez un baromètre à capucin
qui sort quand il pleut, des gravures exécrables qui ôtent l’appétit,
toutes encadrées en bois verni à filets dorés; un cartel en écaille
incrustée de cuivre; un poêle vert, des quinquets d’Argand où
la poussière se combine avec l’huile, une longue table couverte
en toile cirée assez grasse pour qu’un facétieux externe y écrive
son nom en se servant de son doigt comme de style, des chaises
estropiées, de petits paillassons piteux en sparterie qui se déroule
toujours sans se perdre jamais, puis des chaufferettes misérables
à trous cassés, à charnières défaites, dont le bois se carbonise.
Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri,
tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait
en faire une description qui retarderait trop l’intérêt de cette
histoire, et que les gens pressés ne pardonneraient pas. Le
carreau rouge est plein de vallées produites par le frottement ou
par les mises en couleur. Enfin, là règne la misère sans poésie;
une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n’a pas de fange

HONORÉ DE BALZAC

encore, elle a des taches; si elle n’a ni trous ni haillons, elle va
tomber en pourriture.
Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers
sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa
maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent
plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son
rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son
bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal
mis; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa
face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à
bec de perroquet; ses petites mains potelées, sa personne
dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui
flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur,
où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire
l’air chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche
comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont
l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer
renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne
explique la pension, comme la pension implique sa personne.
Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas
l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme
est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence
des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui
dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la
ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le
salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait
pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est
complet. Agée d’environ cinquante ans, madame Vauquer
ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a
l’œil vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se

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