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Тематика:
Французский язык
Издательство:
КАРО
Автор:
Сартр Жан-Поль
Коммент., словарь:
Мигачева А. Г.
Год издания: 2011
Кол-во страниц: 288
Дополнительно
Вид издания:
Художественная литература
Уровень образования:
ВО - Бакалавриат
ISBN: 978-5-9925-0640-2
Артикул: 057077.03.99
Предлагаем вниманию читателей воспоминания знаменитого французского писателя и философа-экзистенциалиста Жана-Поля Сартра, в которых он рассказывает об отношениях с матерью, бабушкой и дедом и об истоках своего дальнейшего творчества. В книге представлен полный неадаптированный текст романа, снабженный комментариями и словарем.
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Jean-Paul SARTRE LES MOTS LITTERATURE С О N T E M P О R A I N E Комментарии и словарь А. Г. Мигачевой ИЗДАТЕЛЬСТВО ШР© Санкт-Петербург
УДК 372.8 ББК 81.2 Фр-93 С 20 Сартр Ж.-П. С 20 Слова: Книга для чтения на французском языке. — СПб.: КАРО, 2011. — 288 с. — (Серия “Litterature contemporaine”). ISBN 978-5-9925-0640-2. Предлагаем вниманию читателей воспоминания знаменитого французского писателя и философа-экзистенциалиста Жана-Поля Сартра, в которых он рассказывает об отношениях с матерью, бабушкой и дедом и об истоках своего дальнейшего творчества. В книге представлен полный неадаптированный текст романа, снабженный комментариями и словарем. УДК 372.8 ББК 81.2 Фр-93 ISBN 978-S-992S-0640-2 © КАРО, 2011
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A madam Z. En Alsace, aux environs de 1850, un institu-teur accable denfants consentit a se faire epicier. Ce defroque voulut une compensation : puisqu’il renon^ait a former les esprits, un de ses fils formerait les ames; il у aurait un pasteur dans la famille, ce serait Charles. Charles se dero-ba, prefera courir les routes sur la trace d’une ecuyere. On retourna son portrait contre le mur et fit defense de prononcer son nom. A qui le tour? Auguste se hata d’imiter le sacrifice paternel: il en-tra dans le negoce et s’en trouva bien. Restait Louis, qui navait pas de predisposition marquee: le pere s’empara de ce gar^on tranquille et le fit pasteur en un tournemain¹. Plus tard Louis poussa Ibbeissan-ce jusqu’a engendrer a son tour un pasteur, Albert Schweitzer¹ ², dont on sait la carriere. Cependant, Charles n’avait pas retrouve son ecuyere; le beau ¹ en un tournemain — в два счета ² Albert Schweitzer — Альберт Швейцер (1875-1965), немецкий теолог, философ, музыкант, врач, лауреат Нобелевской премии мира за 1952 г. 5
JEAN-PAUL SARTRE geste du pere l’avait marque: il garda toute sa vie le gout du sublime et mit son zele a fabriquer de grandes circonstances avec de petits evene-ments. Il ne songeait pas, comme on voit, a elu-der la vocation familiale: il souhaitait se vouer a une forme attenuee de spiritualite, a un sacerdo-ce qui lui permit les ecuyeres. Le professorat fit 1’af-faire: Charles choisit denseigner lallemand. Il sou-tint une these sur Hans Sachs, opta pour la methode directe dont il se dit plus tard 1’inventeur, publia, avec la collaboration de M. Simonnot, un Deutsches Lesebuch¹ estime, fit une carriere ra-pide: Macon, Lyon, Paris. A Paris, pour la distribution des prix, il pronon^a un discours qui eut les honneurs d’un tirage a part: “ Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs, mes chers en-fants, vous ne devineriez jamais de quoi je vais vous parler aujourd’hui! De la musique! ” Il excel-lait dans les vers de circonstance. Il avait coutume de dire aux reunions de famille : “ Louis est le plus pieux, Auguste le plus riche; moi je suis le plus intelligent. ” Les freres riaient, les belles-sceurs pin^aient les levres. A Macon, Charles Schweitzer avait epouse Louise Guillemin, fille ¹ Deutsches Lesebuch— (нем.) учебник немецкого языка 6
dun avoue catholique. Elle detesta son voyage de noces: il 1’avait enlevee avant la fin du repas et je-tee dans un train. A soixante-dix ans, Louise par-lait encore de la salade de poireaux qubn leur avait servie dans un buffet de gare: “ Il prenait tout le blanc et me laissait le vert. ” Ils passerent quinze jours en Alsace sans quitter la table; les freres se racontaient en patois des histoires scatologiques; de temps en temps, le pasteur se tournait vers Louise et les lui traduisait, par charite chretienne. Elle ne tarda pas a se faire delivrer des certificats de complaisance¹ qui la dispenserent du commerce conjugal et lui donnerent le droit de faire cham-bre a part¹ ²; elle parlait de ses migraines, prit 1’ha-bitude de s’aliter, se mit a detester le bruit, la passion, les enthousiasmes, toute la grosse vie fruste et theatrale des Schweitzer. Cette femme vive et malicieuse mais froide pensait droit et mal, parce que son mari pensait bien et de travers; parce qu’il etait menteur et credule, elle doutait de tout: “ Ils pretendent que la terre tourne; qu’est-ce qu’ils en savent ? ” Entouree de vertueux comediens, elle avait pris en haine la comedie et la vertu. Cette realiste ¹ le certificat de complaisance — незаконно выданное удостоверение ² faire chambre a part — иметь раздельные спальни (о супругах) LES MOTS. LIRE 7
JEAN-PAUL SARTRE si fine, egaree dans une famille de spiritualistes grossiers se fit voltairienne par defi sans avoir lu Voltaire. Mignonne et replete, cynique, enjouee, elle devint la negation pure; dun haussement de sourcils, dun imperceptible sourire, elle reduisait en poudre toutes les grandes attitudes, pour elle-meme et sans que personne sen aper^ut. Son or-gueil negatif et son egoisme de refus la devorerent. Elle ne voyait personne, ayant trop de fierte pour briguer la premiere place, trop de vanite pour se contenter de la seconde. “ Sachez, disait-elle, vous laisser desirer. ” On la desira beaucoup, puis de moins en moins, et, faute de la voir, on finit par 1’oublier. Elle ne quitta plus guere son fauteuil ou son lit. Naturalistes et puritains — cette combinai-son de vertus est moins rare qubn ne pense — les Schweitzer aimaient les mots crus qui, tout en ra-baissant tres chretiennement le corps, manifes-taient leur large consentement aux fonctions na-turelles; Louise aimait les mots converts. Elle li-sait beaucoup de romans lestes dont elle appreciait moins 1’intrigue que les voiles transparents qui Геп-veloppaient: “ C’est ose, c’est bien ecrit, disait-elle d’un air delicat. Glissez, mortels, n’appuyez pas! ” Cette femme de neige pensa mourir de rire en li-sant La Fille de feu d’Adolphe Belot. Elle se plaisait a raconter des histoires de nuits de noces qui fi 8
nissaient toujours mal: tantot le mari, dans sa ha- g te brutale, rompait le cou de sa femme contre le bois du lit et tantot, c’etait la jeune epousee qu’on g retrouvait, au matin, refugiee sur 1’armoire, nue et folle. Louise vivait dans le demi-jour; Charles en- 3 trait chez elle, repoussait les persiennes¹, allumait toutes les lampes, elle gemissait en portant la main a ses yeux: “Charles! tu meblouis!” Mais ses resistances ne depassaient pas les limites d’une opposition constitutionnelle: Charles lui inspirait de la crainte, un prodigieux agacement, parfois aus-si de 1’amitie, pourvu qu’il ne la touchat pas. Elle lui cedait sur tout des qu’il se mettait a crier. Il lui fit quatre enfants par surprise: une fille qui mou-rut en bas age¹ ², deux gar^ons, une autre fille. Par indiflerence ou par respect, il avait permis qu’on les elevat dans la religion catholique. Incroyante, Louise les fit croyants par degout du protestantis-me. Les deux gar^ons prirent le parti de leur mere; elle les eloigna doucement de ce pere volumineux; Charles ne s’en aper^ut meme pas. L’aine, Georges, entra a Polytechnique³; le second, Emile, devint professeur d’allemand. Il m’intrigue: je sais qu’il ¹ les persiennes — решетчатые ставни ² en bas age — в младенческом возрасте ³ Polytechnique — Высшая политехническая школа
JEAN-PAUL SARTRE est reste celibataire mais qu’il imitait son pere en tout, bien qu’il ne l’aimat pas. Pere et fils finirent par se brouiller; il у eut des reconciliations memorabies. Emile cachait sa vie; il adorait sa mere et, jusqu’a la fin, il garda 1’habitude de lui faire, sans prevenir, des visites clandestines; il la couvrait de baisers et de caresses puis se mettait a parler du pere, d’abord ironiquement puis avec rage et la quittait en claquant la porte. Elle 1’aimait, je crois, mais il lui faisait peur: ces deux hommes rudes et difficiles la fatiguaient et elle leur preferait Georges qui netait jamais la. Emile mourut en 27, fou de solitude: sous son oreiller, on trouva un revolver; cent paires de chaussettes trouees, vingt paires de souliers ecules dans ses malles. Anne-Marie, la fille cadette, passa son enfance sur une chaise. On lui apprit a s’ennuyer, a se tenir droite, a coudre. Elle avait des dons: on crut distingue de les laisser en friche; de 1’eclat: on prit soin de le lui cacher¹. Ces bourgeois modestes et tiers jugeaient la beaute au-dessus de leurs moyens ou au-dessous de leur condition; ils la permettaient * У ¹ Elle avait des dons: on crut distingue de les laisser en friche; de l’6clat: on prit soin de le lui cacher — У нее были способности — посчитали изысканным оставить их нетронутыми; расцвет красоты — позаботились от нее его утаить. 10