Сильна как смерть
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Тематика:
Французский язык
Издательство:
КАРО
Автор:
Мопассан Ги
Год издания: 2010
Кол-во страниц: 288
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Вид издания:
Художественная литература
Уровень образования:
ВО - Бакалавриат
ISBN: 978-5-9925-0533-7
Артикул: 060973.03.99
«Сильна как смерть» (1889) один из шести романов, созданных классиком французской литературы Ги де Мопассаном (1850-1893) за десятилетие творческой деятельности. Книга содержит неадаптированный текст для чтения, снабженный комментариями и словарем. Предназначена для широкого круга лиц, изучающих французский язык.
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Guy de MALIPASSAN FORT COMME LA MORT L I TT £ R AT U R E CLASSIQUE ИЗДАТЕЛЬСТВО Ш(Р@ Санкт-Петербург
УДК 372.8 ББК 81.2Фр М 78 Мопассан Ги де М 78 Сильна как смерть: Книга для чтения на французском языке. — СПб.: КАРО, 2010. — 288 с. — (Серия „Litterature classique“). ISBN978-5-9925-0533-7. «Сильна как смерть» (1889) - один из шести романов, созданных классиком французской литературы Ги де Мопассаном (1850-1893) за десятилетие творческой деятельности. Книга содержит неадаптированный текст для чтения, снабженный комментариями и словарем. Предназначена для широкого круга лиц, изучающих французский язык. УДК 372.8 ББК 81.2Фр ISBN 978-5-9925-0533-7 © КАРО, 2004 © Антология, 2004
PREMIERE PARTIE I Le jour tombait dans le vaste atelier par la baie ouverte du plafond. C’etait un grand carre de lumiere eclatante et bleue, un trou clair sur un infini lointain d’azur, ou passaient, rapides, des vols d’oiseaux. Mais a peine entree dans la haute piece severe et drapee, la clarte joyeuse du ciel s’ attenuait, devenait douce, s’endormait sur les etoffes, allait mourir dans les portieres, eclairait a peine les coins sombres ou, seuls, les cadres d’or s’allumaient comme des feux. La paix et le sommeil semblaient emprisonnes la dedans, la paix des maisons d’artistes ou l’ame humaine a travaille. En ces murs que la pensee habite, ou la pensee s’agite, s’epuise en des efforts violents, il semble que tout soit las, accable, des qu’elle s’apaise. Tout semble mort apres ces crises de vie; et tout repose, les meubles, les etoffes, les grands personnages inacheves sur les toiles, comme si le logis entier avait souffert de la fatigue du maitre, avait peine avec lui, prenant part, tous les jours, a sa lutte recommencee. Une vague odeur engourdissante de peinture, de terebenthine et de tabac flottait, captee par les tapis et les sieges; et aucun autre bruit ne troublait le lourd silence que les cris vifs et courts des hirondelles qui passaient sur le chassis ouvert, et la longue rumeur confuse de Paris a peine 3
FORT COMME LA MORT entendue par-dessus les toits. Rien ne remuait que la montee intermittente d’un petit nuage de fumee bleue s’elevant vers le plafond a chaque bouffee de cigarette qu’ Olivier Bertin, allonge sur son divan, soufflait lentement entre ses levres. Le regard perdu dans le ciel lointain, il cherchait le sujet d’un nouveau tableau. Qu’allait-il faire? Il n’en savait rien encore. Ce n’ etait point d’ailleurs un artiste resolu et sur de lui, mais un in quiet dont l’ inspiration indecise hesitait sans cesse entre toutes les manifestations de l’art. Riche, illustre, ayant conquis tous les honneurs, il demeurait, vers la fin de sa vie, l’homme qui ne sait pas encore au juste vers quel ideal il a marche. Il avait ete pris de Rome, defenseur des traditions, evocateur, apres tant d’autres, des grandes scenes de l’histoire; puis, modernisant ses tendances, il avait peint des hommes vivants avec des souvenirs classiques. Intelligent, enthousiaste, travailleur tenace au reve changeant, epris de son art qu’il connaissait a merveille, il avait acquis, grace a la finesse de son esprit, des qualites d’execution remarquables et une grande souplesse de talent nee en partie de ses hesitations et de ses tentatives dans tous les genres. Peut-etre aussi l’engouement brusque du monde pour ses reuvres elegantes, distinguees et correctes, avait-il influence sa nature en l’empechant d’etre ce qu’il serait normalement devenu. Depuis le triomphe du debut, le desir de plaire toujours le troublait sans qu’il s’en rendit compte, modifiait secretement sa voie, attenuait ses convictions. Ce desir de plaire, d’ailleurs, apparaissait chez lui sous toutes les formes et avait contribue beaucoup a sa gloire. 4
L’amenite de ses manieres, toutes les habitudes de sa vie, le soin qu’il prenait de sa personne, son ancienne reputation de force et d’adresse, d’homme d’epee et de cheval, avaient fait un cortege de petites notorietes a sa celebrite croissante. Apres Cleopatre, la premiere toile qui l’illustra jadis, Paris brusquement s’etait epris de lui, l’avait adopte, fete, et il etait devenu soudain un de ces brillants artistes mondains qu’on rencontre au bois, que les salons se disputent, que l’Institut accueille des leur jeunesse. Il y etait entre en conquerant avec l’approbation de la ville entiere. La fortune l’avait conduit ainsi jusqu’aux approches de la vieillesse, en le choyant et le caressant. Donc, sous l’influence de la belle journee qu’il sentait epanouie au dehors, il cherchait un sujet poetique. Un peu engourdi d’ailleurs par sa cigarette et son dejeuner, il revassait, le regard en l’air, esquissant dans l’azur des figures rapides, des femmes gracieuses dans une allee du bois ou sur le trottoir d’une rue, des amoureux au bord de l’eau, toutes les fantaisies galantes ou se complaisait sa pensee. Les images changeantes se dessinaient au ciel, vagues et mobiles dans l’hallucination coloree de son reil; et les hirondelles qui rayaient l’espace d’un vol incessant de fleches lancees semblaient vouloir les effacer en les biffant comme des traits de plume. Il ne trouvait rien! Toutes les figures entrevues ressemblaient a quelque chose qu’il avait fait deja, toutes les femmes apparues etaient les filles ou les sreurs de celles qu’avait enfantees son caprice d’artiste; et la crainte encore confuse, dont il etait obsede depuis un an, d’etre vide, d’avoir fait le tour de ses sujets, d’avoir tari son inspiration, PREMIERE PARTIE 5
FORT COMME LA MORT se precisait devant cette revue de son reuvre, devant cette impuissance a rever du nouveau, a decouvrir de 1’inconnu. Il se leva mollement pour chercher dans ses cartons parmi ses projets delaisses s’il ne trouverait point quelque chose qui eveillerait une idee en lui. Tout en soufflant sa fumee, il se mit a feuilleter les esquisses, les croquis, les dessins qu’il gardait enfermes en une grande armoire ancienne; puis, vite degoute de ces vaines recherches, l’esprit meurtri par une courbature, il rejeta sa cigarette, siffla un air qui courait les rues et, se baissant, ramassa sous une chaise un pesant haltere qui trainait. Ayant releve de l’autre main une draperie voilant la glace qui lui servait a controler la justesse des poses, a verifier les perspectives, a mettre a l’epreuve la verite, et s’etant place juste en face, il jongla en se regardant. Il avait ete celebre dans les ateliers pour sa force, puis dans le monde pour sa beaute. L’age, maintenant, pesait sur lui, l’alourdissait. Grand, les epaules larges, la poitrine pleine, il avait pris du ventre comme un ancien lutteur, bien qu’il continuat a faire des armes tous les jours et a monter a cheval avec assiduite. La tete etait restee remarquable, aussi belle qu’autrefois, bien que differente. Les cheveux blancs, drus et courts, avivaient son <eil noir sous d’epais sourcils gris. Sa moustache forte, une moustache de vieux soldat, etait demeuree presque brune et donnait a sa figure un rare caractere d’energie et de fierte. Debout devant la glace, les talons unis, le corps droit, il faisait decrire aux deux boules de fonte tous les 6
mouvements ordonnes, au bout de son bras musculeux, dont il suivait d’un regard complaisant l’effort tranquille et puissant. Mais soudain, au fond du miroir ou se refletait l’atelier tout entier, il vit remuer une portiere, puis une tete de femme parut, rien qu’une tete qui regardait. Une voix, derriere lui, demanda: - On est ici? Il repondit: - Present - en se retournant. Puis jetant son haltere sur le tapis, il courut vers la porte avec une souplesse un peu forcee. Une femme entrait, en toilette claire. Quand ils se furent serre la main: - Vous vous exerciez, dit-elle. - Oui, dit-il, je faisais le paon, et je me suis laisse surprendre. Elle rit et reprit: - La loge de votre concierge etait vide et, comme je vous sais toujours seul a cette heure-ci, je suis entree sans me faire annoncer. Il la regardait. - Bigre! comme vous etes belle. Quel chic! - Oui, j’ai une robe neuve. La trouvez-vous jolie? - Charmante, d’une grande harmonie. Ah! on peut dire qu’aujourd’hui on a le sentiment des nuances. Il tournait autour d’elle, tapotait l’etoffe, modifiait du bout des doigts l’ordonnance des plis, en homme qui sait la toilette comme un couturier, ayant employe, durant toute sa vie, sa pensee d’artiste et ses muscles d’athlete a raconter, avec la barbe mince des pinceaux, les modes changeantes et delicates, a reveler la grace feminine PREMIERE PARTIE 7
FORT COMME LA MORT enfermee et captive en des armures de velours et de soie ou sous la neige des dentelles. Il finit par declarer: - C’est tres reussi. Qa vous va tres bien. Elle se laissait admirer, contente d’etre jolie et de lui plaire. Plus toute jeune, mais encore belle, pas tres grande, un peu forte, mais fraiche avec cet eclat qui donne a la chair de quarante ans une saveur de maturite, elle avait l’air d’une de ces roses qui s’ epanouissent indefiniment jusqu’a ce que, trop fleuries, elles tombent en une heure. Elle gardait sous ses cheveux blonds la grace alerte et jeune de ces Parisiennes qui ne vieillissent pas, qui portent en elles une force surprenante de vie, une provision inepuisable de resistance, et qui, pendant vingt ans, restent pareilles, indestructibles et triomphantes, soigneuses avant tout de leur corps et economes de leur sante. Elle leva son voile et murmura: - Eh bien, on ne m’embrasse pas? - J’ai fume, dit-il. Elle fit: - Pouah. - Puis, tendant ses levres: - Tant pis. Et leurs bouches se rencontrerent. Il enleva son ombrelle et la devetit de sa jaquette printaniere, avec des mouvements prompts et surs, habitues a cette manreuvre familiere. Comme elle s’asseyait ensuite sur le divan, il demanda avec interet: - Votre mari va bien? - Tres bien, il doit meme parler a la Chambre en ce moment. - Ah! Sur quoi donc? 8
- Sans doute sur les betteraves ou les huiles de colza, comme toujours. Son mari, le comte de Guilleroy, depute de l’Eure, s’etait fait une specialite de toutes les questions agricoles. Mais ayant aperfu dans un coin une esquisse qu’elle ne connaissait pas, elle traversa l’atelier, en demandant: - Qu’est-ce que cela? - Un pastel que je commence, le portrait de la princesse de Ponteve. - Vous savez, dit-elle gravement, que si vous vous remettez a faire des portraits de femme, je fermerai votre atelier. Je sais trop ou fa mene, ce travail-la. - Oh! dit-il, on ne fait pas deux fois un portrait d’Any. - Je l’espere bien. Elle examinait le pastel commence en femme qui sait les questions d’art. Elle s’eloigna, se rapprocha, fit un abat-jour de sa main, chercha la place d’ou l’esquisse etait le mieux en lumiere, puis elle se declara satisfaite. - Il est fort bon. Vous reussissez tres bien le pastel. Il murmura, flatte: - Vous trouvez? - Oui, c’est un art delicat ou il faut beaucoup de distinction. Qa n’est pas fait pour les mafons de la peinture. Depuis douze ans elle accentuait son penchant vers l’art distingue, combattait ses retours vers la simple realite, et par des considerations d’elegance mondaine, elle le poussait tendrement vers un ideal de grace un peu maniere et factice. Elle demanda: - Comment est-elle, la princesse? Il dut lui donner mille details de toute sorte, ces details minutieux ou se complait la curiosite jalouse et subtile des PREMIERE PARTIE 9
FORT COMME LA MORT femmes, en passant des remarques sur la toilette aux considerations sur 1’esprit. Et soudain: - Est-elle coquette avec vous? Il rit et jura que non. Alors, posant ses deux mains sur les epaules du peintre, elle le regarda fixement. L’ardeur de l’interrogation faisait fremir la pupille ronde au milieu de l’iris bleu tache d’imperceptibles points noirs comme des eclaboussures d’ encre. Elle murmura de nouveau: - Bien vrai, elle n’est pas coquette? - Oh! bien vrai. Elle ajouta: - Je suis tranquille d’ailleurs. Vous n’aimerez plus que moi maintenant. C’est fini, fini pour d’autres. Il est trop tard, mon pauvre ami. Il fut effleure par ce leger frisson penible qui frole le ca’ur des hommes mftrs quand on leur parle de leur age, et il murmura: - Aujourd’hui, demain, comme hier, il n’y a eu et il n’y aura que vous en ma vie, Any. Elle lui prit alors le bras, et retournant vers le divan, le fit asseoir a cote d’elle. - A quoi pensiez-vous? - Je cherche un sujet de tableau. - Quoi donc? - Je ne sais pas, puisque je cherche. - Qu’avez-vous fait ces jours-ci? Il dut lui raconter toutes les visites qu’il avait recues. les diners et les soirees. les conversations et les potins. 10