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Планета людей

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Предлагаем вниманию читателей сборник очерков Антуана де Сент-Экзюпери, написанный в 1939 году. Неадаптированный текст снабжен комментариями и словарем. Книга предназначена для студентов языковых вузов и всех любителей французской литературы.
Сент-Экзюпери, А. Планета людей : книга для чтения на французском языке : художественная литература / А. де Сент-Экзюпери. — Санкт-Петербург : КАРО, 2015. - 256 с. - (Litterature contemporaine). - ISBN 978-5-9925-1045-4. - Текст : электронный. - URL: https://znanium.com/catalog/product/1048645 (дата обращения: 22.11.2024). – Режим доступа: по подписке.
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Antoine de Saint-Exupery

TERRE RES HOMMES





LITTERATURE С О N T E M P О R A I N E

Комментарии и словарь
0. П. Панайотти







ИЗДАТЕЛЬСТВО ШСР© Санкт-Петербург

    УДК 372.8:821.133.1.0
    ББК 81.2 Фр
            С31














       Сент-Экзюпери, Антуан де.
    С31 Планета людей : книга для чтения на французском языке / А. де Сент-Экзюпери. — Санкт-Петербург : КАРО, 2015. — 256 с. — (Серия «Litterature contemporaine»).
       ISBN 978-5-9925-1045-4.
           Предлагаем вниманию читателей сборник очерков Антуана де Сент-Экзюпери, написанный в 1939 году.
           Неадаптированный текст снабжен комментариями и словарем. Книга предназначена для студентов языковых вузов и всех любителей французской литературы.
УДК 372.8:821.133.1.0
ББК 81.2 Фр

ISBN 978-S-992S-104S-4

© КАРО, 2015

                      Henri Guillaumet mon camarade je te dedie ce livre.

Antoine de Saint-Exupery

    La terre nous en apprend plus long sur nous que les livres. Parce quelle nous resiste. L’homme se decouvre quand il se mesure avec I’obstacle. Mais, pour I’atteindre, il lui faut un outil. Il lui faut un rabot, ou une charrue. Le paysan, dans son labour, arra-che peu a peu quelques secrets a la nature, et la verite qu’il degage est universelie. De meme I’avion, loutil des lignes aeriennes, тё1е l’homme a. tous les vieux problemes.
    J’ai toujours, devant les yeux, Г image de ma premiere nuit de vol en Argentine, une nuit sombre ой scintillaient seules, comme des etoiles, les rares lumieres eparses dans la plaine.
    Chacune signalait, dans cet ocean de tenures, le miracle d’une conscience. Dans ce foyer, on lisait, on reflechissait, on poursui-vait des confidences. Dans cet autre, peut
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etre, on cherchait a sender I’espace, ons’usait en calculs sur la nebuleuse d’Andromede. La on aimait. De loin en loin luisaient cesfeux dans la campagne qui reclamaient leur nourriture. Jusqu’auxplus discrets, celui du poete, de I’instituteur, du charpentier. Mais parmi ces etoiles vivantes, combien de fe-netres fermees, combien d’etoiles eteintes, combien d’hommes endormis...
   Ilfaut bien tenter de se rejoindre. Ilfaut bien essayer de communiquer avec quelques-uns de cesfeux qui brulent de loin en loin dans la campagne.

Chapitre I


            LA LIGNE





   C’etait en 1926. Je venais d entrer comme jeune pilote de ligne a la societe Latecoere qui assure, avant VAeropostale, puis Air France, la liaison Toulouse-Dakar. La j’apprenais le metier. A mon tour, comme les camarades, je subissais le noviciat que les jeunes у subissaient avant d’avoir 1’honneur de piloter la poste. Essais d’avions, deplacements entre Toulouse et Perpignan¹, tristes lemons de meteo dans le fond dun hangar glacial. Nous vivions dans la crainte des montagnes d’Espagne, que nous ne connaissions pas encore, et dans le respect des anciens.
   Ces anciens, nous les retrouvions au restaurant, bourrus, un peu distants, nous accordant de tres haut

   ¹ Perpignan — Перпиньян, город во Франции на реке Тет, административный центр департамента Восточные Пиренеи. Расположен в 13 км от берега Средиземного моря и в 31 км севернее французско-испанской границы.

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leurs conseils. Et quand 1’un deux, qui rentrait d’Alicante ou de Casablanca¹, nous rejoignait en retard, le cuir trempe de pluie, et que Fun de nous, timide-ment, 1’interrogeait sur son voyage, ses reponses breves, les jours de tempete, nous construisaient un monde fabuleux, plein de pieges, de trappes, de falai-ses brusquement surgies, et de remous qui eussent deracine des cedres. Des dragons noirs defendaient I’entree des vallees, des gerbes d’eclairs couronnaient les cretes. Ces anciens entretenaient avec science no-tre respect. Mais de temps a autre, respectable pour I’eternite, 1’un d’eux ne rentrait pas.
   Je me souviens ainsi d’un retour de Bury, qui se tua depuis dans les Corbieres². Ce vieux pilote ve-nait de s’asseoir au milieu de nous, et mangeait lour-dement sans rien dire, les epaules encore ecrasees par 1’effbrt. C’etait au soir de 1’un de ces mauvais jours ou, d’un bout a l’autre de la ligne, le ciel est pourri, ou toutes les montagnes semblent au pilote

   ¹ Casablanca — Касабланка, крупнейший город и порт в Марокко, на берегу Атлантического океана

   ² Corbiere — Корбьер, горная область и северная часть исторического района Каталонии Руссильон, который сейчас находится на территории французского департамента Восточные Пиренеи.

CHAPITRE I

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TERRE DES HOMMES

rouler dans la crasse comme ces canons aux amar-res rompues qui labouraient le pont des voiliers d’autrefois. Je regardai Bury, j’avalai ma salive et me hasardai a lui demander enfin si son vol avait ete dur. Bury n’entendait pas, le front plisse, penche sur son assiette. A bord des avions decouverts, par mauvais temps, on s’inclinait hors du pare-brise, pour mieux voir, et les gifles de vent sifflaient longtemps dans les oreilles. Enfin Bury releva la tete, parut m’entendre, se souvenir, et partit brusquement dans un rire clair¹. Et ce rire m’emerveilla, car Bury riait peu, ce rire bref qui illuminait sa fatigue. Il ne donna point d’autre explication sur sa victoire, pencha la tete, et reprit sa mastication dans le silence. Mais dans la grisaille du restaurant, parmi les petits fonctionnai-res qui reparent ici les humbles fatigues du jour, ce camarade aux lourdes epaules me parut d’une etran-ge noblesse ; il laissait, sous sa rude ecorce, percer l’ange qui avait vaincu le dragon.
   Vint enfin le soir ou je fus appele a mon tour dans le bureau du directeur. Il me dit simplement:
   « Vous partirez demain. »

   ¹ partit brusquement dans un rire clair — внезапно разразился веселым смехом

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   Je restais la, debout, attendant qu’il me congediat. Mais, apres un silence, il ajouta:
   « Vous connaissez bien les consignee ? »
   Les moteurs, a cette epoque-la, n offraient point la securite qu’offrent les moteurs d’aujourd’hui. Souvent, ils nous lachaient d un coup, sans prevenir, dans un grand tintamarre de vaisselle brisee. Et Ion rendait la main vers la croute rocheuse de 1’Espagne qui n’offrait guere de refuges.«Ici, quand le moteur se casse, disions-nous, 1 avion, helas ! ne tarde guere a en faire autant. » Mais un avion, cela se remplace. L’important etait avant tout de ne pas aborder le roc en aveugle¹. Aussi nous interdisait-on, sous peine des sanctions les plus graves, le survol des mers de nua-ges au-dessus des zones montagneuses. Le pilote en panne, s enfon^ant dans 1’etoupe blanche, eut tam-ponne les sommets sans les voir.
   C’est pourquoi, ce soir-la, une voix lente insistait une derniere fois sur la consigne:
   « C’est tres joli de naviguer a la boussole, en Espagne, au-dessus des mers de nuages, c’est tres elegant, mais... »
   Et, plus lentement encore:

CHAPITRE I

     en aveugle — вслепую

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TERRE DES HOMMES

   « .. .mais souvenez-vous: au-dessous des mers de nuages... c’est Feternite. »
   Voici que brusquement, ce monde calme, si uni, simple, que Гоп decouvre quand on emerge des nuages, prenait pour moi une valeur inconnue. Cette douceur devenait un piege. J’imaginais cet immense piege blanc etale, la, sous mes pieds. Au-dessous ne regnaient, comme on eut pu le croire, ni 1’agita-tion des hommes, ni le tumulte, ni le vivant charroi des villes, mais un silence plus absolu encore, une paix plus definitive. Cette glu blanche devenait pour moi la frontiere entre le reel et I’irreel, entre le connu et 1’inconnaissable. Et je devinais deja qu’un spectacle n’a point de sens, sinon a travers une culture, une civilisation, un metier. Les montagnards connais-saient aussi les mers de nuages. Ils n у decouvraient cependant pas ce rideau fabuleux.
   Quand je sortis de ce bureau, j’eprouvai un or-gueil pueril¹. J’allais etre a mon tour, des 1’aube, res-ponsable d’une charge de passagers, responsable du courrier d’Afrique. Mais j’eprouvais aussi une grande humilite. Je me sentais mal prepare. L’Espagne etait pauvre en refuges ; je craignais, en face de la

   ¹ j’eprouvai un orgueil pudril — я был горд, как ребенок

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