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Монт-Ориоль

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«Монт-Ориоль» (1886) — один из шести романов классика французской литературы Гиде Мопассана (1850-1893), написанных за десятилетие творческой деятельности. В романе описана печальная история любви прелестной Кристианы Андерматт и Поля Бретиньи. Роман отличает резкое неприятие прагматизма, лживости и лицемерной морали, приводящих к измельчению личности, утрате духовной цельности. Книга содержит неадаптированный текст, снабженный комментариями и словарем. Предназначена для широкого круга лиц, изучающих французский язык.
Мопассан, Г. Монт-Ориоль : книга для чтения на французском языке : художественная литература / Г. де Мопассан. - Санкт-Петербург : КАРО, 2008. - 416 с. - (Lecture originate). - ISBN 978-5-9925-0053-0. - Текст : электронный. - URL: https://znanium.com/catalog/product/1048629 (дата обращения: 22.11.2024). – Режим доступа: по подписке.
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УДК 372.8
ББК 81.2 Фр-93
           М78

© КАРО, 2008
Все права защищены
ISBN 978-5-9925-0053-0

Мопассан Ги де

М78    Монт-Ориоль: Книга для чтения на французском
языке. — СПб.: КАРО, 2008. — 416 с. — (Lecture
originale)

ISBN 978-5-9925-0053-0

«Монт-Ориоль» (1886) — один из шести романов классика французской литературы Ги де Мопассана (1850–1893),
написанных за десятилетие творческой деятельности. В романе описана печальная история любви прелестной Кристианы
Андерматт и Поля Бретиньи.
Роман отличает резкое неприятие прагматизма, лживости
и лицемерной морали, приводящих к измельчению личности,
утрате духовной цельности.
Книга содержит неадаптированный текст, снабженный
комментариями и словарем. Предназначена для широкого
круга лиц, изучающих французский язык.

УДК 372.8
ББК 81.2 Фр-93

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MONT-ORIOL

Les premiers baigneurs, les matineux1 déjà sortis
de l’eau, se promenaient à pas lents, deux par deux ou
solitaires, sous les grands arbres, le long du ruisseau
qui descend des gorges d’Enval.
D’autres arrivaient du village, et entraient dans
l’établissement d’un air pressé. C’était un grand
bâtiment dont le rez-de-chaussée demeurait réservé au
traitement thermal, tandis que le premier étage servait
de casino, café et salle de billard.
Depuis que le docteur Bonnefille avait découvert
dans le fond d’Enval la grande source, baptisée par lui
source Bonnefille, quelques propriétaires du pays et
des environs, spéculateurs timides, s’étaient décidés à
construire au milieu de ce superbe vallon d’Auvergne2,

1 les matineux — ранние пташки

2 Auvergne (Овернь) — историческая провинция во Франции, расположенная в Центральном Массиве. Главный город — КлермонФерран.

GUY DE MAUPASSANT

sauvage et gai pourtant, planté de noyers et de
châtaigniers géants, une vaste maison à tous usages,
servant également pour la guérison et pour le plaisir,
où l’on vendait, en bas, de l’eau minérale, des douches
et des bains, en haut, des bocks, des liqueurs et de la
musique.
On avait enclos une partie du ravin, le long du
ruisseau, pour constituer le parc indispensable à
toute ville d’eaux; on avait tracé trois allées, une
presque droite et deux en festons; on avait fait jaillir
au bout de la première une source artificielle
détachée de la source principale et qui bouillonnait
dans une grande cuvette de ciment, abritée par un
toit de paille, sous la garde d’une femme impassible
que tout le monde appelait familièrement Marie.
Cette calme Auvergnate, coiffée d’un petit bonnet
toujours bien blanc, et presque entièrement couverte
par un large tablier toujours bien propre qui cachait
sa robe de service, se levait avec lenteur dès qu’elle
apercevait dans le chemin un baigneur s’en venant
vers elle. L’ayant reconnu elle choisissait son verre
dans une petite armoire mobile et vitrée, puis elle
l’emplissait doucement au moyen d’une écuelle de
zinc emmanchée au bout d’un bâton.
Le baigneur triste souriait, buvait, rendait le verre
en disant: «Merci, Marie!» puis se retournait et s’en
allait. Et Marie se rasseyait sur sa chaise de paille pour
attendre le suivant.

MONT-ORIOL

Ils n’étaient pas nombreux d’ailleurs. Depuis six
ans seulement la station d’Enval était ouverte aux
malades, et ne comptait guère plus de clients, après
ces six années d’exercice, qu’au début de la première.
Ils venaient là une cinquantaine, attirés surtout par
la beauté du pays, par le charme de ce petit village
noyé sous des arbres énormes dont les troncs tortus
semblaient aussi gros que les maisons, et par la
réputation des gorges, de ce bout de vallon étrange,
ouvert sur la grande plaine d’Auvergne, et finissant
brusquement au pied de la haute montagne, de la
montagne hérissée d’anciens cratères, finissant dans une
crevasse sauvage et superbe, pleine de rocs éboulés ou
menaçants, où coule un ruisseau qui cascade sur les
pierres géantes et forme un petit lac devant chacune.
Cette station thermale avait commencé comme
elles commencent toutes, par une brochure du docteur
Bonnefille sur sa source. Il débutait en vantant les
séductions alpestres du pays en style majestueux et
sentimental. Il n’avait pris que des adjectifs de choix,
de luxe, ceux qui font de l’effet sans rien dire. Tous
les environs étaient pittoresques, remplis de sites
grandioses ou de paysages d’une gracieuse intimité.
Toutes les promenades les plus proches possédaient un
remarquable cachet d’originalité propre à frapper
l’esprit des artistes et des touristes. Puis brusquement,
sans transitions, il était tombé dans les qualités
thérapeutiques de la source Bonnefille, bicarbonatée,

GUY DE MAUPASSANT

sodique, mixte, acidulée, lithinée, ferrugineuse, etc.,
et capable de guérir toutes les maladies. Il les avait
d’ailleurs énumérées sous ce titre: affections chroniques
ou aiguës spécialement tributaires d’Enval; et la liste
était longue de ces affections tributaires d’Enval,
longue, variée, consolante pour toutes les catégories
de malades. La brochure se terminait par des renseignements utiles de vie pratique, prix des logements,
des denrées, des hôtels. Car trois hôtels avaient surgi
en même temps que l’établissement casino-médical.
C’étaient: le Splendid Hotel, tout neuf, construit sur
le versant du vallon dominant les bains, l’hôtel des
Thermes, ancienne auberge replâtrée, et l’hôtel
Vidaillet, formé tout simplement par l’achat de trois
maisons voisines qu’on avait perforées afin d’en faire
une seule.
Puis, du même coup, deux médecins nouveaux
s’étaient trouvés installés dans le pays, un matin, sans
qu’on sût bien comment ils étaient venus, car les
médecins, dans les villes d’eaux, semblent sortir des
sources, à la façon des bulles de gaz. C’étaient: le
docteur Honorat, un Auvergnat, et le docteur Latonne,
de Paris. Une haine farouche avait éclaté aussitôt entre
le docteur Latonne et le docteur Bonnefille, tandis
que le docteur Honorat, gros homme propre et bien
rasé, souriant et souple, avait tendu sa main droite
au premier, sa main gauche au second, et demeurait
en bons termes avec les deux. Mais le docteur Bonnefille

MONT-ORIOL

dominait la situation par son titre d’Inspecteur des eaux
et de l’établissement thermal d’Enval-les-Bains.
Ce titre était sa force, et l’établissement sa chose. Il
y passait ses jours, on disait même ses nuits. Cent fois
dans la matinée il allait de sa maison, toute proche
dans le village, à son cabinet de consultation installé à
droite à l’entrée du couloir. Embusqué là comme une
araignée dans sa toile, il guettait les allées et venues des
malades, surveillant les siens d’un œil sévère et ceux
des autres d’un œil furieux. Il interpellait tout le monde
presque à la façon d’un capitaine en mer, et il terrifiait
les nouveaux venus, à moins qu’il ne les fit sourire.
Comme il arrivait ce jour-là d’un pas rapide qui
laissait voltiger, à la façon de deux ailes, les vastes
basques de sa vieille redingote, il fut arrêté net par une
voix qui criait: «Docteur!»
Il se retourna. Sa figure maigre, ridée de grands
plis mauvais dont le fond semblait noir, salie par une
barbe grisâtre rarement coupée, fit un effort pour sourire;
et il enleva le chapeau de soie de forme haute, râpé, taché,
graisseux dont il couvrait sa longue chevelure poivre et
sel1, «poivre et sale», disait son rival le docteur Latonne.
Puis il fit un pas, s’inclina et murmura:
— Bonjour, monsieur le Marquis, vous allez bien,
ce matin?

1 chevelure poivre et sel — волосы с проседью, букв. — соль с
перцем

GUY DE MAUPASSANT

Un petit homme très soigné, le marquis de Ravenel,
tendit la main au médecin, et répondit:
— Très bien, Docteur, très bien, ou, du moins, pas
mal. Je souffre toujours des reins; mais enfin je vais
mieux, beaucoup mieux; et je n’en suis encore qu’à
mon dixième bain. L’année dernière, je n’ai obtenu
d’effet qu’au seizième; vous vous en souvenez?
— Oui, parfaitement.
— Mais ce n’est pas de ça que je veux vous parler.
Ma fille est arrivée ce matin, et je désire vous entretenir
à son sujet tout d’abord, parce que mon gendre,
M. Andermatt, William Andermatt, le banquier…
— Oui, je sais.
— Mon gendre a une lettre de recommandation
pour le docteur Latonne. Moi, je n’ai confiance qu’en
vous, et je vous prie de vouloir bien monter jusqu’à
l’hôtel, avant… vous comprenez… J’ai mieux aimé
vous dire les choses franchement… Etes-vous libre, à
présent?
Le docteur Bonnefille s’était couvert, très ému, très
inquiet. Il répondit aussitôt:
— Oui, je suis libre, tout de suite. Voulez-vous que
je vous accompagne?
— Mais certainement.
Et tournant le dos à l’établissement, ils montèrent
à pas rapides une allée arrondie qui conduisait à la porte
du Splendid Hotel construit sur la pente de la
montagne pour offrir de la vue aux voyageurs.

MONT-ORIOL

Au premier étage, ils pénétrèrent dans le salon
attenant aux chambres des familles de Ravenel et
Andermatt; et le marquis laissa seul le médecin pour
aller chercher sa fille.
Il revint avec elle presque aussitôt. C’était une
jeune femme blonde, petite, pâle, très jolie, dont les
traits semblaient d’une enfant, tandis que l’œil bleu,
hardiment fixé, jetait aux gens un regard résolu qui
donnait un attrait charmant de fermeté et un singulier
caractère à cette mignonne et fine personne. Elle
n’avait pas grand’chose, de vagues malaises, des
tristesses, des crises de larmes sans cause, des colères
sans raison, de l’anémie enfin. Elle désirait surtout
un enfant, attendu en vain depuis deux ans qu’elle
était mariée.
Le docteur Bonnefille affirma que les eaux d’Enval
seraient souveraines et écrivit aussitôt ses prescriptions.
Elles avaient toujours l’aspect redoutable d’un
réquisitoire.
Sur une grande feuille blanche de papier à écolier,
ses ordonnances s’étalaient par nombreux paragraphes
de deux ou trois lignes chacun, d’une écriture rageuse,
hérissée de lettres pareilles à des pointes.
Et les potions, les pilules, les poudres qu’on devait
prendre à jeun1, le matin, à midi, ou le soir, se suivaient
avec des airs féroces.

1 à jeun — натощак

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